Par Alain Istamboulian, Restructuring Lead Advisor Zalis

 

Tous les professionnels de l’entreprise et notamment ceux du Restructuring savent ce qu’est un (ou une)  IBR :

 

Ces « Independent business Review » visent à faire partager une compréhension objective de la situation d’une entreprise, parfois en difficultés, et de permettre d’apprécier ses perspectives, notamment au regard des dettes qu’elle doit assumer ou aménager.

 

Les acteurs économiques sont de plus en plus nombreux à réclamer une IBR : Banques, Pouvoirs publics, investisseurs, CSE, organismes de collectes de cotisations sociales, Tribunal de Commerce …

Historiquement cette tâche est dévolue aux cabinets d’audit, dont la culture financière n’est plus à démontrer et qui excellent dans l’art de la projection comptable du triptyque Compte de Résulat-Trésorerie-Bilan.

 

Pour autant, ces IBR, très « comptables », se voient très souvent battus en brèche et il n’est pas rare qu’une prévision établie le mois M soit contredite dans de larges proportions 6 mois plus tard (voire même plus tôt).

Évidemment, toute prévision se heurte à des aléas, mais dans un monde économique fortement perturbé par des éléments exogènes à l’entreprise, il est pour le moins indispensable d’appréhender ses éléments endogènes : c’est à dire ce qui fait la capacité de l’entreprise à changer, à se ré-inventer et une analyse fine de son business model, de son organisation, de sa stratégie, de la qualité de sa gouvernance, de sa culture, de son climat social, de son environnement réglementaire, de ses avantages concurrentiels.

Tout ceci doit être un préalable à l’élaboration de prévisions financières très détaillées.

Aucune projection chiffrée n’a de sens sans l’appréhension de la complexité du changement, du temps qu’il faudra pour opérer les modifications utiles dans une entreprise, parfois affaiblie par la perte de confiance de ses partenaires, par les freins psychologiques à la modification des process d’exploitation, par les moyens financiers et humains utiles à la construction de l’avenir mais aussi au désengagement du passé, par la complexité à modifier sa chaîne de valeur ou à améliorer un avantage concurrentiel …

Tous les IBR sont battus en brèche sur ce qu’il est coutume d’appeler « les pertes intercalaires », c’est à dire le coût de la phase de transition, non seulement du point de vue des pertes d’exploitation mais aussi du point de vue de la consommation de cash de cette période. C’est le prix de la complexité du changement.

Opérer une analyse objective du business model avant de se jeter sur les projections financières n’est pas chose facile, parce qu’une IBR est souvent sollicitée en urgence, au moment où les créanciers ou bailleurs sont sollicités pour un réaménagement de leurs financements alors même que l’entreprise se rapproche d’une situation critique.

C’est pourquoi, il est vivement recommandé d’anticiper les difficultés de solvabilité quand un évènement majeur vient altérer un élément structurant du business model et d’apprécier si cet événement est durable, réversible et surmontable.

 

La nature humaine a souvent la faiblesse de penser qu’un évènement négatif n’est que passager et la tentation est grande de penser que tout reviendra comme avant après une crise passagère.

La crise covid est typiquement l’exemple d’événement, qui justifie tous les maux des entreprises en ce début 2023… tout le monde établit des prévisions sur la base de volumes d’affaires « avant crise covid », mais c’est sans compter sur les modifications durables des comportements des consommateurs, des salariés, des banquiers, des pouvoirs publics, de la concurrence étrangère etc…

Les nouveaux IBR doivent, avant tout, être stratégiques et opérationnels … les chiffres ne sont que  leur déclinaison financière et n’en seront que plus fiables et intelligibles de tous.

C’est de ce point de vue que les IBR en 2023 peuvent être qualifiés de « nouvelle génération ».