Par le Bureau d’Etudes Zalis Paris

 

La transition énergétique engagée a des implications profondes au niveau environnemental, social et économique. Comme le souligne Stephen Jay Gould, paléontologue américain, « il est souvent regrettable de ne pas tenir compte des conséquences à long terme, que ce soit dans nos choix de carrière, nos relations ou nos comportements environnementaux ».

La transition énergétique est un processus complexe qui implique le passage progressif des sources d’énergie fossile vers des sources plus propres et durables. Ce changement a des conséquences significatives sur l’environnement, la société et l’économie. Les défis environnementaux, tels que le changement climatique et la dégradation de l’écosystème, sont au cœur de cette transition. Sur le plan social, la transition énergétique peut créer des opportunités économiques tout en soulevant des préoccupations concernant la sécurité de l’emploi et l’équité. Du point de vue économique, elle affecte les marchés de l’énergie, les investissements et les politiques gouvernementales.

 

 

Transition énergétique : la neutralité climatique de plus en plus éloignée

 

Source : Unep – Emissions Gap Report 2021

Lecture : En 2016, la somme des émissions prévues pour 2030, basée sur les engagements des États, dépassait le niveau d’émissions de 2016 de 14,1 % (engagements inconditionnels) à 8,8 % (ensemble des engagements, y compris conditionnels). En 2022, ces écarts ont diminué, mais demeurent incertains, avec respectivement +3,1 % et -3,6%

 

Les engagements actuels, tant des acteurs publics que privés, sont en deçà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif collectif établi par l’Accord de Paris, à savoir limiter l’augmentation de la température mondiale en dessous de 2 °C. La France, en tant que signataire de l’Accord, n’est pas encore parvenue à respecter ses obligations, n’ayant pas encore soumis ses contributions rehaussées, comme prévu par le traité. A l’heure actuelle, seule la Gambie a réussi à respecter les obligations fixées.

 

La transition énergétique à l’horizon 2030 : vers un impératif de substituer les énergies fossiles

 

Source :Energy Transitions : Global and National Perspectives, 2016 ; Scénario « net zero emissions by 2050 » de l’AIE

Lecture : En 2021, la biomasse traditionnelle représente 6,3 % de l’approvisionnement énergétique mondial.

 

Le succès de la transition énergétique semble reposer essentiellement sur la substitution du capital investi dans les énergies fossiles à l’horizon 2030.

La décarbonation, visant à réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre, est caractérisée par un rythme bien plus rapide que les transitions énergétiques antérieures. Cette accélération est attribuable non seulement à la célérité d’action requise, mais également au fait que les énergies décarbonées, en particulier l’énergie éolienne et solaire, doivent progressivement remplacer les énergies carbonées plutôt que de s’ajouter à elles.

Il faut aussi noter que la décarbonation impliquera un besoin supplémentaire d’investissement, estimé à environ 2 % du produit intérieur brut (PIB). D’ici à 2030, ces investissements ne devraient pas entraîner une croissance économique significativement plus élevée. Or, le financement accru des investissements ne semble pas contribuer au potentiel de croissance à court terme.

Ce scénario s’appuie sur une tendance à la baisse des coûts des énergies renouvelables. Cette diminution des coûts suggère que la transition énergétique peut ouvrir la voie à de nouvelles opportunités de croissance économique à l’avenir. Elle reflète la capacité de l’économie à s’adapter et à évoluer vers une économie plus durable, dessinant un avenir où la croissance économique et la durabilité environnementale pourraient être plus étroitement alignées.

 

Acteurs et actions sur la transition énergétique – des investissements majeurs pour une politique climatique publique

 

Source : France Stratégie (mai 2023) Les incidences économiques de l’action pour le climat, Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz

Lecture : Pour atteindre les objectifs dans le cadre de la transition climatique, les finances publiques doivent compter 67 milliards d’euros d’investissement supplémentaire en 2030.

 

La transition vers la neutralité climatique engendrera des coûts substantiels pour les administrations publiques. Ces coûts englobent la rénovation des infrastructures, le soutien aux investissements des ménages et des petites entreprises dans des technologies plus propres. Il faut y ajouter la promotion de l’économie verte, la formation professionnelle, et les investissements nécessaires pour faire face aux effets du changement climatique, notamment l’adaptation aux nouvelles conditions.

Ces dépenses constituent un élément inévitable de la politique climatique. Elles reflètent l’engagement financier des pouvoirs publics pour mettre en œuvre des actions concrètes afin d’atténuer le changement climatique. À long terme, cet engagement devrait contribuer à la création d’emplois et à la stimulation de l’innovation, tout en préparant la société aux défis climatiques qui s’annoncent à moyen terme.

 

Gestion responsable des ressources financières publiques : le dilemme entre maîtrise de la dette et politique climatique ambitieuse

 

Source : Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz, op cit.

Lecture : En 2030, la dette publique serait plus élevée de 9 points, dont 6 points liés aux dépenses d’investissement supplémentaires et un peu plus de 1 point aux pertes de recettes du fait de la croissance plus faible.

 

Une augmentation significative de la dette publique est prévisible, dans le cas d’un scénario d’actions concrètes des politiques publiques en faveur de la transition climatique. En 2030, cette future augmentation représentera 10 points de PIB, et cette tendance va s’intensifier avec 15 points de PIB en 2035 et 25 points de PIB en 2040. Retarder les dépenses au nom de la maîtrise de la dette publique pourrait avoir des répercussions financières plus sévères. Par ailleurs, assurer le maintien d’un équilibre entre la mise en place de politiques climatiques ambitieuses et la gestion responsable des ressources financières publiques s’avère être un véritable défi.

La nécessité d’adopter une approche stratégique dédiée au financement de la transition énergétique sans compromettre la stabilité budgétaire s’avère nécessaire. Cela implique d’évaluer attentivement les priorités et les investissements à long terme pour atteindre les objectifs climatiques tout en préservant la santé financière de l’État.

 

Equilibre financier et transition climatique : l’Etat doit arbitrer entre stabilité budgétaire et action climatique

 

 

Source : INSEE

Lecture : Sur un an, la dette publique affiche une dégradation de 100,9 milliards d’euros (2.912,5 mds€ au 1er trimestre 2022).

 

La dette publique augmente rapidement, avec une hausse de 63,4 milliards d’euros au 1er trimestre 2023. Cette situation intervient dans un contexte économique déjà difficile, caractérisé par des déficits budgétaires et une inflation croissante. La transition climatique doit être menée pour que l’État trouve un équilibre entre la stabilité financière et la nécessité d’agir sur le front du climat. Cela signifie qu’il s’engage dans une gestion de ses finances avec prudence tout en s’attaquant aux problèmes climatiques. Par ailleurs, la dégradation de la situation financière de l’État pourrait avoir un impact sur sa cote de crédit, ce qui rendrait plus coûteux l’emprunt de fonds sur les marchés internationaux. Cette complexité souligne la nécessité d’une gestion équilibrée des priorités.  

 

Impact de la fiscalité environnementale sur les ménages français : l’empreinte carbone révèle des inégalités

 

Source : IPSOS

Lecture : L’empreinte carbone des ménages français varie en fonction de la taille du foyer, de la catégorie socioprofessionnelle, de la taille de la ville ainsi que de la répartition par grands postes. Le bilan carbone se détériore notamment à cause de l’utilisation des transports.

 

La France est adossée d’un système fiscal complexe et des taux de taxation élevés, notamment en ce qui concerne la fiscalité environnementale, comme la taxe carbone. La pression fiscale en France est souvent un sujet de débat et de préoccupation, car elle peut être ressentie comme lourde pour les ménages.

La taxation environnementale, telle que la taxe carbone, est conçue pour encourager les comportements respectueux de l’environnement en faisant payer ceux qui émettent des gaz à effet de serre. Pour que la transition vers une économie plus verte soit équitable, il semble nécessaire de mettre en place des mécanismes qui tiennent compte des inégalités économiques et sociales.

 

Taxe carbone et coordination internationale : la tarification du carbone nécessite une approche globale

 

Source : Comité Trajectoires

 

La taxe carbone peut être un moyen efficace de réduire les émissions de gaz à effet de serre en incitant les entreprises et les individus à adopter des pratiques plus respectueuses de l’environnement. Si la taxe carbone est mise en place de manière isolée dans un pays ou une région, elle peut entraîner des problèmes de délocalisation des entreprises vers des endroits où les coûts liés à la tarification du carbone sont moins élevés. Cela peut être contre-productif sur le plan mondial car cela ne réduit pas nécessairement les émissions globales de CO2, mais déplace simplement la production ailleurs.

Une concertation internationale s’avère donc essentielle pour aborder efficacement le problème de la délocalisation due à la tarification du carbone.

L’objectif de neutralité carbone d’ici 2050 est un élément clé des efforts mondiaux pour lutter contre le changement climatique. Mais la réalisation de cet objectif repose sur un ensemble complexe de politiques et de mesures, notamment la promotion des énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, la recherche sur les technologies propres et la réduction des émissions dans tous les secteurs. La tarification du carbone est un instrument parmi d’autres dans la panoplie d’outils de la politique climatique, et sa mise en œuvre efficace nécessite une approche globale et coordonnée

 

Les défis de l’engagement des entreprises dans la transition climatique : la nécessité d’harmoniser les politiques et les prix du carbone

 

L’engagement des entreprises dans la transition climatique est confronté à divers défis, parmi lesquels l’hétérogénéité des politiques climatiques et les variations des prix du carbone jouent un rôle prépondérant. Les politiques climatiques divergentes au niveau régional peuvent influencer la décision des entreprises en matière de durabilité environnementale. Les entreprises opérant dans des régions, où les prix du carbone sont plus élevés, sont encouragées à réduire plus rapidement leurs émissions de gaz à effet de serre, bien que cela puisse entraîner des coûts économiques supplémentaires, en particulier pour les industries fortement émettrices de carbone.

L’harmonisation des prix du carbone entre différentes régions peut contribuer à créer une concurrence plus équitable et à atteindre de manière plus efficace les objectifs climatiques. En revanche, cette harmonisation peut s’avérer complexe, compte tenu des disparités économiques et des politiques nationales en place. Il est important de trouver un équilibre entre la stimulation de la réduction des émissions et la protection de la compétitivité des entreprises.

 

Conclusion

 

Une coordination améliorée entre les États membres de l’Union européenne est vitale pour garantir la mise en œuvre efficace des politiques climatiques. Les réformes de la gouvernance climatique peuvent contribuer à surmonter les obstacles à la coordination et renforcer la supervision, afin d’atteindre les objectifs climatiques de l’UE de manière harmonisée.

Le financement de la transition climatique est également une question complexe. Les gouvernements européens doivent explorer diverses sources de financement, notamment les partenariats public-privé, les fonds d’investissement, les subventions et les taxes environnementales. Or, il est essentiel de peser les avantages immédiats du financement contre les inconvénients potentiels liés à l’augmentation de la dette publique.

Les mécanismes d’ajustement carbone aux frontières sont envisagés pour prévenir les fuites de carbone en imposant des tarifs douaniers sur les importations en provenance de pays ayant des normes environnementales moins strictes. Bien que ces mécanismes puissent contribuer à protéger la compétitivité des industries européennes, leur mise en œuvre doit être soigneusement réfléchie pour éviter des conflits commerciaux et assurer leur efficacité.

En réponse à ces défis, les gouvernements de l’Union européenne s’efforcent d’harmoniser leurs politiques climatiques et environnementales, de stimuler l’innovation et d’apporter un soutien aux entreprises dans leur transition vers les nouvelles normes environnementales. Les incitations fiscales, les subventions et les initiatives jouent un rôle dans la promotion de pratiques plus respectueuses de l’environnement au sein du secteur privé.

 

Source: OMM