Par le Bureau d’Etudes Zalis Paris

 

Au cours du XXe siècle, la France a été confrontée à des défis majeurs touchant sa souveraineté technologique, industrielle et numérique en raison de son engagement dans un modèle économique mondialisé hautement compétitif. La pandémie de Covid-19 a notamment mis en évidence cette problématique, conduisant à une prise de conscience qui se traduit par des initiatives de réindustrialisation lancées par le gouvernement depuis 2020.

En septembre 2020, le gouvernement français a lancé le plan « France Relance », un programme d’investissement public de 100 milliards d’euros. Ce plan vise à financer des projets dans des secteurs stratégiques tels que la santé, le nucléaire, l’aéronautique et l’automobile, dans le but de promouvoir la relocalisation et le développement industriel.

 

Indépendance commerciale, transformation énergétique et révolution numérique : Trois axes du plan « France Relance »

 

Pour répondre aux défis économiques auxquels le pays est confronté, le gouvernement a élaboré 25 stratégies distinctes axées sur la cohésion sociale, la compétitivité économique et l’écologie afin de résoudre trois problématiques majeures : la dépendance excessive aux industries étrangères, la transition énergétique et le déficit en main-d’œuvre hautement qualifiée.

 

 

Source : Données Site web France Relance

Lecture :  En 2022, le gouvernement a investi un total de 312,9 milliards d’euros dans le cadre de France relance et, jusqu’à présent, en 2023, il a investi 2,7 milliards.

 

Selon les données officielles du gouvernement, les investissements totaux dans les projets industriels ont atteint 13 878,51 millions d’euros en août 2022, avec une contribution de 27,11 % provenant d’aides de l’Etat. Dans le but de favoriser l’industrie dans toutes les régions du pays et de promouvoir une répartition équitable des opportunités de développement, des appels à projets ont été lancés, soutenant ainsi les efforts d’industrialisation à travers le pays.

 

 

 

Les PME et les TPE en ont été les principales bénéficiaires parmi ces projets, tandis que les organismes de recherche ont été peu mobilisés. Cette situation met en évidence le faible investissement de la France en matière de recherche et développement (R&D) par rapport à d’autres pays leaders en matière d’innovation. En effet, en 2021, la France a consacré 2,1 % de son PIB à la R&D, alors que l’Allemagne, les États-Unis et la Corée du Sud ont respectivement alloué 3,1 %, 3,4 % et 4,5 % de leur PIB à la R&D.

 

 

Source : Données Site web France Relance

Lecture :  En 2022, le gouvernement a investi un total de 312,9 milliards d’euros dans le cadre de France relance et, jusqu’à présent, en 2023, il a investi 2,7 milliards.

 

La production industrielle et le commerce extérieur français

 

Au cours des deux dernières décennies, le déficit commercial de la France dans le secteur des produits industriels a augmenté, tandis que le rapport entre la production industrielle et les importations a diminué. Cela témoigne la dépendance croissante du pays vis-à-vis de l’étranger dans le domaine industriel.

Les entreprises ont tendance à privilégier l’implantation des sites de production dans les pays émergents afin de réduire leurs coûts, tandis que les consommateurs français continuent de favoriser les produits importés bon marché plutôt que les produits « made in France » plus coûteux. Les pays émergents, offrant des conditions de travail moins contraignantes et une main-d’œuvre peu coûteuse, représentent ainsi un des principaux défis pour la France, tant sur le plan législatif que social.

 

 

Source : Données Insee

Lecture : Le déficit commercial persiste, en 2022, les exportations ont augmenté de 22% tandis que les importations ont augmenté de 31%. Pour le dernier trimestre 2022, la balance commerciale a été de -42 milliards d’euros.

 

Ces dernières années, la production industrielle en France a connu une augmentation significative de 74 %. Cependant, les importations ont augmenté de manière encore plus marquée, atteignant une augmentation de 200 %. Cette dynamique témoigne un déficit commercial structurel qui n’est que partiellement compensé par un excédent dans les services et des revenus nets des investissements à l’étranger.

 

 

Source : Données Insee

Lecture : Le ratio entre la production et les importations continue de diminuer, passant de 3 en 2000 à 1,6 en 2021.

 

La valeur ajoutée de l’industrie

 

La France affiche une faible contribution de la production manufacturière à son PIB, en comparaison avec des pays comme l’Allemagne ou les États-Unis, malgré les efforts du gouvernement pour encourager l’innovation.

En France, lors de la révolution industrielle, l’industrialisation s’était faite « sans révolution ». Cependant, aujourd’hui, dans le cadre de la réindustrialisation et conformément aux objectifs de France 2030, l’innovation et l’investissement technologique demeurent la voie principale pour changer la capacité de la France à créer de la valeur et du progrès à long terme.

 

 

Source : Données World Bank

Lecture : En 1991, la valeur ajoutée de l’industrie française représentait 18,76 % du PIB du pays, alors qu’en 2021, elle était de 11,64 %.

 

Un catalyseur pour la réindustrialisation : L’essor de l’emploi et de l’entrepreneuriat

 

Création d’emplois

 

Depuis 2017, le secteur industriel en France a connu une croissance significative en termes de création d’emplois, malgré une contraction de 209% en 2020 due à la crise sanitaire du Covid-19.

Cependant, en 2021, le secteur industriel a enregistré la création de plus de 40 000 emplois, ce qui représente une augmentation de 56% par rapport à 2019. Ces résultats témoignent à la fois de la santé des entreprises industrielles en France et de résultats encourageants les initiatives gouvernementales visant à promouvoir la relocalisation des usines sur le territoire national, notamment dans les secteurs du textile et de la pharmacie.

 

 

Source : Données Insee

Lecture :  Nombre de salariés dans le secteur industriel et l’évolution de la création ou perte d’emploi sur une période de 8 ans.

 

Au cours des dernières années, la France a observé une tendance encourageante dans le secteur industriel : le nombre d’entreprises créées dépasse celui des entreprises qui mettent fin à leurs activités, et ce même pendant la période de crise due au Covid-19. Cette dynamique soutient la relance industrielle en mettant en évidence l’engagement des acteurs impliqués dans la création d’entreprises, l’innovation et la création d’emplois. Si cette tendance se maintient dans les années à venir, elle pourrait favoriser le phénomène de réindustrialisation du pays.

 

 

Source : Données Insee

Lecture : le nombre d’entreprises créées en 2021 est 84% plus élevé qu’il y a 10 ans, tandis que le nombre de fermetures d’entreprises est inférieur de 35 %. Le nombre de créations d’entreprises en 2021 est presque 30 fois supérieur au nombre de liquidations d’entreprises, tel que l’indique le ratio dans le graphique.

 

L’indépendance stratégique à travers les enjeux du secteur automobile et de la transformation numérique en France

 

L’industrie automobile : La réindustrialisation par le biais de l’électrification automobile

 

L’industrie automobile française est souvent citée comme un exemple marquant de la désindustrialisation en France. En effet, au cours des 20 dernières années, le rapport entre la production nationale et les importations dans ce secteur a connu une baisse d’environ 35 %.

La relocalisation des usines constitue l’un des défis majeurs auxquels ce secteur est confronté, mais ce n’est pas le seul. La transition vers la motorisation électrique et le besoin d’investissements deviennent également des enjeux de plus en plus évidents.

 

 

Source : Données Insee

Lecture : PSA Peugeot Citroën comprend Peugeot, Citroën, DS et depuis le 1er août 2017 Opel. Renault comprend Dacia, Renault Samsung Motors, Alpine et depuis le 1er janvier 2017 Lada. En 2021, PSA Peugeot Citroën produit 2 059 000 voitures particulières dont 535 000 en France.

 

Les coûts de production élevés en France ont incité les constructeurs nationaux, tels que Renault et le groupe PSA, à établir de nouvelles usines d’assemblage dans des pays offrant une main-d’œuvre moins coûteuse, comme l’Espagne, l’Europe de l’Est, la Turquie ou le Maroc. Cette décision a été privilégiée au détriment de l’investissement dans la modernisation des infrastructures de production industrielle en France. La part de la production nationale de ces deux grands constructeurs est ainsi passée de 60 % en 2000 à seulement 20 % en 2021.

 

 

Source : Données Insee

Lecture :  Sur l’ensemble de la production de voitures et de pièces automobiles de PSA Peugeot Citroën, seuls 25 % sont produites en France, tandis que Renault n’en produit que 19 % en France.

 

Les ventes de voitures électriques en France continuent de croître, témoignant du dynamisme du marché dans le pays. La France abrite déjà d’importantes méga-usines dédiées à la fabrication de batteries électriques, et le gouvernement vise à créer un écosystème complet pour l’ensemble de la chaîne de production des voitures électriques sur le territoire. La récente annonce de la construction d’une nouvelle méga-usine à Dunkerque par une entreprise taïwanaise renforce encore davantage l’attrait du pays dans ce secteur.

Cependant, l’influence asiatique sur ces projets suscite des interrogations quant aux enjeux de souveraineté industrielle. Il existe des préoccupations sur la dépendance excessive vis-à-vis des acteurs étrangers et sur la capacité de la France à maintenir le contrôle de sa propre industrie automobile électrique.

 

 

Source : Données Insee

Lecture : les immatriculations de voitures hybrides et électriques en 2021 ont augmenté de 82 %, tandis que les immatriculations de voitures diesel et essence ont diminué de 35 % et 2 %, respectivement.

 

Par le biais du plan d’investissement « France Relance », le gouvernement français a ainsi alloué 1,2 milliard d’euros à la R&D de l’industrie automobile, ainsi que 200 millions d’euros à la production de voitures électriques sur le territoire français.

 

Technologie et transformation numérique : Une opportunité de croissance ?

 

La formation dans le domaine technologique, la nécessité d’investissement ainsi que les dépenses intérieures brutes de R&Drestent des obstacles majeurs à la réindustrialisation du secteur numérique français. Les dépenses brutes de R&D sont toujours inférieures à celles de pays innovants comme l’Allemagne, et le pays éprouve des difficultés à recruter des ingénieurs et des scientifiques des données hautement qualifiés.

 

 

Source : Données OCDE

Lecture : Au cours des cinq dernières années, les dépenses intérieures de R&D en pourcentage du PIB ont augmenté de 6,8 % en Allemagne, tandis qu’elles sont restées pratiquement stables en France et ont même diminué de 4 % entre 2020 et 2021.

 

Bien que l’effort de recherche en pourcentage du PIB soit toujours plus élevé en Allemagne qu’en France, la France maintient une position au-dessus de la moyenne de l’UE. Néanmoins, l’écart entre la France et la moyenne européenne s’est réduit ces dernières années et le gouvernement envisage de développer la compétitivité industrielle et les technologies du futur en investissant sur 3 piliers :

  1. La mise en place de vingt-cinq pôles universitaires d’innovation
  2. L’Aide au développement deeptech
  3. Le renforcement de la valorisation des travaux issues de la recherche et des programmes de recherche thématiques

 

 

Source : Données OCDE

Lecture : En 2021, l’effort de recherche s’élève à 2,21 % du produit intérieur brut (PIB) en France et à 2,15 % dans l’ensemble de l’Union européenne à 27 pays.

 

Entre 2020 et 2021, l’utilisation d’outils tels que The internet of things, l’intelligence artificielle, le cloud computing et les réseaux sociaux par les entreprises industrielles a connu une augmentation significative, illustrant les efforts réalisés en termes de transformation numérique. Cependant, la production de brevets en France nécessite une attention plus soutenue. Selon les données de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle en 2022, un écart significatif a été observé : la France a déposé seulement 7 794 demandes de brevets internationaux, tandis que l’Allemagne en a déposé 23 592 et les États-Unis 59 056.

 

 

Source : Données OCDE

Lecture : 2021, 20 % des entreprises utilisent l’internet des objets dans leurs activités, contre seulement 10 % des entreprises en 2020.

 

En conclusion, s’il semble encore difficile de déterminer l’étendue des effets relatifs aux efforts de réindustrialisation, il n’en demeure pas moins que les politiques industrielles actuelles illustrent une nécessité de corriger certains déséquilibres structurels afin de faire face à la dégradation de la compétitivité industrielle française.

De nos jours, les entreprises françaises manifestent une volonté croissante à produire localement afin de réduire leur dépendance vis-à-vis des fournisseurs étrangers et répondre à la demande grandissante des consommateurs pour des produits « made in France ». Cependant, concilier cette réindustrialisation avec la préoccupation des Français de préserver leur pouvoir d’achat et d’accéder à des biens abordables représente un défi dans un pays attaché à la protection sociale.

La réindustrialisation nécessite une approche moderne de l’industrie, intégrant les avancées technologiques et les évolutions sociétales, au lieu de reproduire simplement le modèle industriel du XIXe siècle. Le soutien actif à l’innovation disruptive, la promotion de diverses disciplines de recherche et l’accent mis sur la production de brevets sont des éléments essentiels pour que le gouvernement et les dirigeants d’entreprise puissent se positionner en tant que leaders du développement. Ces actions contribuent à créer un environnement propice à la réindustrialisation, favorisant ainsi la croissance économique et l’émergence de solutions novatrices.