Jean Messinesi, Senior Advisor Zalis, Ancien Economiste au FMI

 

 

Aider les entreprises c’est aussi contribuer à la réindustrialisation

 

 

Le mouvement de désindustrialisation fut général dans les pays de l’Europe de l’ouest entre les années 70 et 2020.

En France, ce que certains ont appelé un désastre industriel fut particulièrement prononcé. La part du secteur manufacturier est passée de 26 pour cent en 1978 à 14 pour cent en 2000. Les effectifs de l’industrie ont chuté de 6 millions en 1970 à 3 millions en 2017.

Certains analystes de ce phénomène, qui répétons le, fut en France exceptionnel par son ampleur, l’attribuent aux évolutions technologiques et techniques qui provoquèrent des gains de productivité importants et une baisse des prix relatifs.1/

D’autres l’imputent aux politiques économiques qui ont pesé sur le secteur manufacturier à travers l’alourdissement de la fiscalité, l’introduction des 35 heures, la rigidité et la complexité du droit du travail et la crispation des relations sociales.

D’autres enfin évoquent l’attitude des chefs d’entreprises successifs des groupes industriels qui, soit par dogmatisme (le mythe post-industriel, l’entreprise sans usine), soit par ambition personnelle (devenir un patron mondial aux revenus comparables à ceux payés à l’étranger) ont bradé des pans entiers de l’industrie française au profit de groupes étrangers (Pechiney, Alcatel, Technip, Alsthom…)

 

Peut-on réindustrialiser en France ? 

On peut bien sûr tenter d’attirer des investissements étrangers à coup de subventions et d’avantages en nature que ne renieraient pas les gouvernements de nombre de pays émergents. Cette politique a ses limites : le coût des subventions. La concurrence que se livrent les pays entre eux pour attirer à tout prix de très gros investissements pour la création de « méga » complexes industriels fait que le coût/bénéfice de cette politique, dont les succès restent anecdotiques, demeure faible.

On peut également favoriser le retour en France d’activités parties à l’étranger. La décision appartient aux chefs d’entreprises qui sur le fondement des récentes ruptures de la chaine d’approvisionnement peuvent être tentés soit de diversifier leurs productions extérieures soit de rapatrier leur production si tant est que ce rapatriement en devenu possible par la robotisation et l’automatisation des tâches.

Naturellement, réindustrialiser implique d’alléger la fiscalité, simplifier le droit du travail, repenser la formation professionnelle et comme chacun le dit, encourager la R&D à laquelle les groupes français, les ETIs et même les PME ne consacrent pas suffisamment de ressources. Tout cela est connu mais en France les obstacles, à la mise en place de telles réformes, sont considérables.

 

Aider les PME c’est aussi contribuer à la réindustrialisation

En France, avec une moyenne de 60.000 par an, les défaillances d’entreprises sont entre deux et trois fois plus élevées qu’en Allemagne. Ceci a contribué, et continue de contribuer à la désindustrialisation. Les friches industrielles en sont le témoignage. Les disparitions de PME et d’ETI sont largement ignorées au prétexte qu’elles sont compensées par les créations de nouvelles entreprises, une vue un peu simpliste du phénomène de renouvellement du tissu industriel. Il faut en effet se souvenir que la première cause de défaillances est une croissance trop rapide et incontrôlée de l’entreprise, avant les mésententes entre les dirigeants ou les actionnaires et les difficultés du compte client.

Aussi nous parait-il important d’améliorer le traitement des difficultés des entreprises, en particulier les PMEs, qui sont souvent seules face à leurs difficultés et peu conscientes des possibilités d’assistance auxquelles elles pourraient faire appel. Il est urgent de coordonner les bonnes volontés qui en France cherchent à aider les PME en difficulté. L’accompagnement du chef d’entreprise doit être le plus en amont possible.

Les chemins de la réindustrialisation sont nombreux et divers. La plupart sont ambitieux et difficiles car ils impliquent sans doute une remise en cause de nos choix en particulier à l’égard de la mondialisation et des politiques économiques et sociales qui ont marqué les cinquante dernières années.

L’accompagnement opérationnel des PMEs ; les aider à traverser les fréquents obstacles de la croissance contribuerait pour sa part à lutter contre la désindustrialisation sans remettre en question de façon significative les acquis économiques et sociaux.

 

1/ Voir en particulier le rapport Désindustrialisation, Délocalisation, Lionel Fontagné & Jean-Hervé Lorenzi, Conseil d’Analyse Economique 2005