Regards croisés des experts de l’équipe Zalis sur l’innovation en période de crise

 

En ce début d’année 2021, nous avons souhaité donner la parole aux experts de l’équipe Zalis. A la question….

 

Quelle est votre vision de l'innovation, votre analyse, ressenti, pour relever les enjeux qui s’imposent ?

 

 Ils ont eu envie de nous dire, sans filtre….

 

Robert Lambert, Directeur Général Zalis Auvergne Rhône-Alpes

 

« L’innovation en entreprise c’est de l’humain, c’est une volonté de changement forte, quotidienne, on n’innove pas une fois, on se réinvente chaque jour, avec une volonté bâtie autour d’un projet et d’une vision commune. L’innovation, c’est le changement et un collectif. »

 

Au cours de cette crise, et plus encore quand la sortie se dessinera, le mot INNOVATION va devenir un étendard magique que tout le monde brandira, et plus il sera brandi… moins il y aura d’innovation. Les dirigeants cherchant une solution risquent d’être les victimes de mirages et de solutions préconçues qui leurs seront vendues et les conduiront à l’échec. Le risque sera d’autant plus élevé que les arguments seront puissants : ces innovations ont fait leurs preuves pendant la crise : télétravail, digitalisation, ebusiness, circuit court… la liste est longue.

Tous ces conseils oublieront juste que toutes ces techniques étaient largement disponibles avant la crise. Les circonstances de la crise en ont forcé l’utilisation. C’est la confusion classique entre un moyen, une technique, un outil et leur utilisation, et surtout avec la volonté de les utiliser.

L’innovation n’est donc pas dans la technique, même de pointe, elle est dans la volonté de l’utilisation de ces techniques, elle est donc dans l’esprit, dans l’humain.

Dans ce cadre, le rôle du consultant n’est pas de proposer des techniques miracles qui devraient réduire les coûts ou augmenter le chiffre d’affaires. Le rôle du consultant, en symbiose avec le dirigeant, et les acteurs de l’entreprise, est de construire et reconstruire un modèle. Ce modèle qui selon les cas aura des ambitions différentes, un comportement différent, des modes d’actions différents, conséquences du nouvel environnement. L’innovation sera donc dans sa construction, et elle n’aura de valeur que si elle est partagée par tous dans l’entreprise avec une forte adhésion. L’innovation sera donc d’abord un facteur humain. L’innovation, ce sont les femmes et les hommes de l’entreprise qui doivent porter une vision et un modèle, avec une volonté commune de les mettre en œuvre. L’utilisation de certaines techniques et technologies deviendra alors une évidence, et sera faite avec réussite, apportant les bénéfices espérés. Inversement, imposer une technique dans un contexte où elle n’est pas « acceptée-demandée » par les acteurs de l’entreprise se solde souvent par des coûts significatifs, pour l’achat et la mise en place de cette technologie, et peu de résultats car elle ne sera pas ou mal utilisée…

L’innovation en entreprise c’est de l’humain, c’est une volonté de changement forte, quotidienne, on n’innove pas une fois, on se réinvente chaque jour, avec une volonté bâtie autour d’un projet et d’une vision commune. L’innovation, c’est le changement et un collectif.

 

Jean-Marc Parizet, coach de vie professionnelle et personnelle, spécialiste du coaching par les énergies

 

« Accueillir sereinement le principe d‘incertitude. C’est le « sereinement » qui semble incontournable et qui implique de développer son intelligence émotionnelle, ainsi que la juste connaissance de soi en ce domaine. »

 

Si les organisations sont confrontées à leur résilience en transformation, elles ne réussiront leur passage que si leurs dirigeants agissent de même, vis-à-vis d’eux-mêmes en tant que personnes. Les amplitudes de changements auxquels est confronté l’environnement doivent être suffisamment multidimensionnelles pour que les acteurs qui les dirigent les appliquer à eux mêmes. Aussi, je vois trois priorités qui peuvent s’appliquer aux dirigeants :

La première est d’accueillir sereinement le principe d‘incertitude. C’est le « sereinement » qui semble incontournable et qui implique de développer son intelligence émotionnelle, ainsi que la juste connaissance de soi en ce domaine.

La deuxième est la congruence entre ses valeurs et ses actions. Symboliquement la tête (ce que je pense), le cœur (avec qui j’agis) et la main (ce que je fais) demandent à être alignés ; mais aujourd’hui s’ajoute l’étage des valeurs (ce à quoi je crois). Une nouvelle exigence qui permet de vivre avec lucidité et avec la juste estime de soi et de ses responsabilités.

La troisième est de s’entourer d’intelligences multiples, tout comme la biodiversité assure la résilience naturelle de tout environnement. Mixer la biodiversité, c’est mixer les générations, les modes de fonctionnement, et croiser les formes d’intelligence. Travailler ensemble en valorisant les différences.

C’est un triple miroir qui est proposé aux dirigeants, les engageant à se transformer en conscience et responsabilité.

 

John Lloyd, Chief Restructuring Officer et Responsable de la Pratique Redressement des Entreprises

 

« La transformation est un voyage et il faut une destination que tout le monde comprenne et où tous souhaitent se retrouver. »

 

Nous vivons une crise sanitaire sans précédent, et cette crise a tendance à nous faire perdre tout sens des perspectives avec l’idée notamment que nous vivons une période unique. Ce n’est pas à mon avis le cas. Le monde politique et économique est en transformation permanente et nos grands-parents et arrière-grands-parents ont vécu des perturbations peut-être encore bien plus violentes que celles que nous subissons aujourd’hui.

La transformation, que ce soit celle d’une entreprise ou de secteurs d’activités voire de modèles économiques, est un mouvement constant de notre monde. La conduite du changement est donc un élément essentiel de la gestion d’une entreprise. Les enjeux de transformation ne sont pas uniquement applicables dans des situations exceptionnelles ou de crise. Ils sont le courant dominant de la vie économique et de la gestion, mais une entreprise n’a pas toujours suffisamment le recul nécessaire pour s’en apercevoir.

Une dose d’innovation fait partie de la recette de la transformation. On ne transforme pas une société en reconduisant les mêmes modes de fonctionnement qui l’ont menée à une impasse. Mais il est très, très rare, selon mon expérience, que cette innovation ne trouve pas ses origines dans l’entreprise elle-même. La grande majorité des solutions aux problèmes de management, d’organisation, de technologie, de stratégie ou de tactique émanent de l’intérieur de l’entreprise. Le bon dirigeant n’est que très rarement lui-même à l’origine de l’innovation. Il est plutôt celui qui la laisse fleurir.

Afin de trouver des idées innovantes, il faut à la fois créer une ambiance qui permette à ces idées de se répandre, et en même temps exprimer clairement sa vision pour qu’opère l’évolution ou la transformation de l’entreprise. La transformation est un voyage et il faut une destination que tout le monde comprenne et où tous souhaitent se retrouver.

Les salariés et autres acteurs de la vie de l’entreprise (clients, fournisseurs, sous-traitants, etc.) doivent trouver un environnement propice pour proposer leurs propres idées novatrices. Très peu de dirigeants sont des génies de l’innovation mais les meilleurs dirigeants sont très ouverts à l’innovation. Maintenir l’entreprise dans un état de sclérose et résister férocement aux changements tuent l’innovation. Le rôle du dirigeant est de créer cette ambiance qui laisse fleurir l’innovation et de prendre les décisions qui s’imposent pour assurer la transformation de l’entreprise.

Le principal levier de succès de la transformation d’une organisation est l’adhésion des acteurs principaux au projet de transformation. Pour cela, il faut que le projet de transformation et les conséquences du projet de transformation soient clairement communiqués. Cette adhésion au projet est la condition sine qua non d’une transformation réussie. Il est essentiel que les salariés y adhèrent ainsi que d’autres acteurs.

Dans toute question de management, il est évident que le facteur humain est clé. Ce n’est pas le seul facteur mais c’est le plus important. La difficulté de notre métier est que chaque mission est différente et il n’y a ni de panacées, ni de solutions globales ou de méthodologies uniques qui s’appliquent dans tous les cas. Il faudra analyser la situation et écouter les personnes qui connaissent bien l’entreprise. Le dirigeant doit avoir une grande capacité d’écoute et suffisamment d’humilité pour reconnaître que toutes les solutions n’émanent pas de lui.

 

Jean Messinesi, Senior Advisor Zalis et Président honoraire du tribunal de commerce de Paris

 

« Dans toute organisation, il y a des gisements de créativité, de réflexion et d’aspiration au changement. »

 

 Je dirais que la transformation d’une entreprise, son adaptation constante aux évolutions de son marché, aux contraintes sociales, règlementaires, techniques ou environnementales est un enjeu permanent. Face à celui-ci, le chef d’entreprise doit faire preuve de lucidité, de créativité, d’imagination et de talent pour mobiliser les énergies et convaincre ses collaborateurs d’accepter, – voire mieux – de solliciter le changement.

L’innovation marque une rupture, elle s’inscrit dans une perspective plus longue et plus créatrice, il s’agit plus d’inventer le futur que de s’adapter dans la continuité. Les enjeux sont multiples, chaque entreprise a les siens propres.

Dans l’accompagnement d’entreprise en situations très délicates, j’essaye de me poser des questions simples et de voir hors du déjà-vu.

En termes de leviers de succès, l’adaptation au changement, plutôt que l’innovation, mais sans doute autant qu’elle, nécessite l’adhésion de tous les acteurs : management, encadrement, collaborateurs.

Dans toute organisation, il y a des gisements de créativité, de réflexion et d’aspiration au changement. Les mettre en place implique l’adhésion de tous, l’enthousiasme de certains et une prise de conscience de la nécessité de ce changement. Notre premier rôle devrait peut-être consister à faire en sorte que chacun soit convaincu de l’impérieuse nécessité du changement, et qu’il en soit un des co-promoteurs. Il faut que chacun comprenne que l’augmentation de la valeur de l’entreprise qui naîtra du changement ou de l’innovation lui profitera.

Le facteur humain étant donc clé, j’ajouterais que sa bonne prise en compte dans une transformation se traduit par : L’humilité !

 

Jean-François Habert, consultant Zalis, expert en Finance

 

« Expliquer, obtenir l’adhésion, prévenir…et agir ! »

 

Les enjeux sont par définition propres à chaque entreprise ou organisation, et varient en fonction de la nécessité de s’adapter à un environnement changeant. Si l’environnement change plus rapidement, les enjeux de transformations augmentent. C’est le cas aujourd’hui, mais la nécessité de s’adapter n’a jamais cessé d’exister.

Je ne vois pas d’innovation possible sans intégrité intellectuelle, courage, bon sens et transparence.

Changer une organisation et les façons d’y travailler heurte naturellement à l’hostilité de certains et à l’inertie de tous. Changer n’est pas facile, et, pour faire passer le message, il faut accompagner la mise en œuvre des changements par des signaux de rupture dans le champ physique et visuel de chacun : modifications d’implantation physique des postes de travail, départ des collaborateurs ne jouant pas le jeu, arrivée de « sang neuf »… En plus de la communication traditionnelle déployée à ces moments, il faut donner des signes d’impossibilité de retour en arrière et une volonté de mener à bien le changement de cap (d’où le départ des collaborateurs-obstacles), et enfin communiquer honnêtement sur les difficultés et les résultats.

 

Alexandra Cohen, Responsable Communication et Marketing Zalis

 

 « Innover, c’est aussi partir de soi, se changer en s’adaptant, pour aller vers l’autre, et, avec une meilleure version de soi, une connaissance plus fine et plus sensible, on peut faire des merveilles… Pour le collectif »

 

Témoignage d’une expérience : quand l’innovation est aussi dans la transformation individuelle du rapport au temps et au monde.

Si je devais parler de ce qu’est pour moi l’Innovation, il y a de cela un an, j’aurais utilisé des termes techniques, ou du moins tenté de le faire, étant en charge de la Communication et du Marketing chez ZALIS, j’aurais sûrement choisi cet angle, ou : comment innover dans ce domaine?

Finalement, suite à cette année, désastreuse pour certains, challengeante pour d’autres, heureuse peut-être pour une poignée, je me rends compte que chacun a vécu son expérience, et en a tiré quelque chose; ainsi, j’aimerais parler de l’innovation sous cet angle : l’expérience humaine.

Au sein de cette crise, l’Humain, même parfois sans s’en rendre compte a innové, s’est vu innover car il a su accepter ce qui lui était imposé, a su s’adapter et donc avancer.

Au final, l’innovation n’est que le fait de comprendre dans quelle situation nous sommes, s’y adapter et avancer à travers les nouveaux moyens proposés : OBSERVATION, ACCEPTATION, COMPREHENSION, ADAPTATION ET ACTION.

Et, l’Innovation ou les moteurs de celle-ci, se présentent à chaque coin de rue, si on y prête attention : innover, peut être le simple fait de s’adapter à un confinement, et afin de rester actif, décider, peut-être par « survie », d’aller marcher quelques heures par jour, et, si cette habitude n’était pas ancrée dans le quotidien, voilà déjà une forme d’Innovation. On peut trouver de la nouveauté à travers ces quelques minutes ou heures de marche, qui n’ont en soit aucun but : ni se rendre à un endroit, ni découvrir une place ou rencontrer une personne; seulement flâner. Je pense qu’il y a dans ce geste simple une forme d’Innovation, on découvre une ville sous un angle différent, on ouvre d’avantage son regard à des petites choses que nous ne prenons pas le temps de voir d’habitude, puisque nous sommes seulement disponibles à cela, on sourit plus aux passants et on remarque même, qu’ils sont dans la même situation : des marcheurs, marchant sans but, et, disponibles au monde. En rentrant chez soi, on se sent alors juste heureux et remplis d’un nouveau sentiment, que j’appellerais le collectif. Innover, est alors aussi sûrement le fait de changer son prisme, voire différemment à travers pourtant des actions courantes/habituelles, prendre le temps de remarquer des détails que nous ne conscientisions  pas habituellement, par manque de temps, par un état de stress constant car embarqués dans la machine infernale d’occupations régulières qu’était la vie d’avant. Et, découvrir enfin, par ce biais, les petits cadeaux qui se cachent, comprendre que nous faisons partie d’un tout, et qu’à travers l’autre, le collectif, même sans mot, il est possible d’innover et d’avancer vers un but commun, dans un premier temps juste en observant et en se laissant traverser par ce que le moment présent offre, simplement.

On remarque également qu’à travers cette crise, les échanges, profonds, faiseurs de sens, sont plus fréquents, finalement l’Humain, là aussi a su innover. Le temps libre se faisant plus présent, les pensées, à la longue, plus calmes, il a pu échanger ses idées, et aller plus loin en les confrontant au monde extérieur. C’est aussi une forme d’innovation, innover n’est finalement que le fait de confronter son être au monde extérieur, laisser son empreinte mais aussi accepter de se laisser « emprei/unter », se laisser toucher par l’autre, se laisser modifier et continuer d’agir, peut-être différemment puisqu’emprunts de nouvelles idées, de nouveaux points de vus.

L’innovation finalement, peut opérer d’un sourire, une marche, une discussion à cerveau ouvert mais aussi d’une discussion à cœur ouvert, puisqu’à travers cette crise les cœurs se sont, eux aussi, ouverts.

Innover c’est se rendre compte que l’on fait partie d’un tout, d’un collectif, avoir l’envie d’échanger mais également avoir le désir de se laisser changer. Comprendre que bien que tous uniques et différents, nous sommes communs dans le sens que nous sommes bien de « simples » êtres vivants sur la planète Terre.

On a vu cette année de nombreuses innovations techniques, technologiques certes, mais on a également réalisé ô combien l’Humain était capable de s’adapter de manière active à son environnement et aux règles qui lui étaient imposées. Cela pourrait paraitre d’une certaine manière, dangereux, si cette adaptation était passive ou : accepter sans rien faire, sans changer l’idée qu’on se fait du « bonheur » et rester ainsi cloisonnés dans d’anciennes habitudes, en se soumettant simplement aux directives. Mais quand cette adaptation est active, elle devient intéressante et innovante car on apprend à contourner intelligemment, à innover.

Par exemple, actuellement au Québec, nous avons un couvre-feu à 20h, une forme d’innovation qui se dessine actuellement est le fait de marcher avant 20h ou encore de voir, pour les personnes seules, un ami en après-midi et d’organiser des goûters au lieu de repas le soir ou apéritifs. Cela peut paraitre simpliste, mais là est bien une forme d’innovation puisque l’innovation est le fait de changer de point de vue, d’habitude, se laisser modifier et surtout, réaliser par la suite, ce que ce changement crée, en nous. Modifier sa façon de vivre, ses habitudes, en s’adaptant à toutes nouvelles mesures, en étant riches en idées, ouverts aux autres propositions, et surtout actifs et en joie : voilà une des clés de l’innovation.

Ainsi, j’aimerais conclure en précisant à nouveau que l’Innovation est partout et encore plus actuellement, le simple fait d’arriver à être heureux et épanouis au sein de cette crise est une forme d’Innovation.

Innover c’est finalement partir de soi pour aller vers l’autre, il me semble que c’est donc pareil dans le métier, partir de son entreprise, l’analyser avec une vision nouvelle, en échangeant des idées, des points de vus différents pour finalement s’adapter au monde extérieur, partir du microcosme pour aller vers le macrocosme.

Au sein de la crise, nombreux se sont vus, naturellement aller vers une introspection « d’eux-mêmes », et finalement aussi difficile a-t-elle pu être, les changements ont fini par naitre, en eux, et ainsi leur relation au monde extérieur, aux autres, a également changé et s’est pérennisée, car emprunt d’autre chose, d’une nouvelle expérience.

Innover, c’est aussi partir de soi, se changer en s’adaptant, pour aller vers l’autre, et, avec une meilleure version de soi, une connaissance plus fine et plus sensible, on peut faire des merveilles… Pour le collectif.

Finalement le changement naît de la connaissance, et la connaissance ne peut naitre en soi qu’en étant confrontée au monde extérieur, et en acceptant de se changer, et ce, dans une visée collective.