Auteur : Daniel COHEN en collaboration avec Julien Durand, Les fiches outils du dirigeant d’entreprise, Eyrolles, 2017

La transformation numérique touche aujourd’hui tous les secteurs, depuis les taxis, l’hôtellerie, en passant par la banque (les fintechs) ou les lanceurs spatiaux (Space X) et jusqu’à la médecine, sans parler des secteurs réglementés que l’on pensait à l’abri : banque, assurance, immobilier…La vague est tellement forte qu’aucune digue ne sait la contenir.

Par rapport à l’économie classique, l’innovation disruptive se caractérise par une course de vitesse permanente. Course à la taille, à la croissance, plutôt qu’à la rentabilité. Par ailleurs, les actifs tangibles de l’entreprise ont changé de nature : Uber, la plus grande société de taxis au monde, n’a aucun véhicule ni salarié, et Airbnb, le plus grand hôtelier du monde, ne possède pas d’immobilier. Pourtant, la capitalisation boursière des géants du Web, Google, Apple, Facebook, Amazon (GAFA), est supérieure à celle du CAC 40.

Tout cela pourrait laisser penser que rien ne peut plus être anticipé et que tout devient possible. Dès lors, comment accompagner sinon anticiper l’innovation disruptive, afin de survivre dans sa propre industrie ?

FAVORISER L’ÉMERGENCE DE L’INNOVATION COLLECTIVE

Le dirigeant doit donc favoriser l’émergence de l’innovation disruptive (qui présente un business model ou un support technologique différent des métiers traditionnels) au sein de son entreprise. Plutôt que de la décréter, cela passe par un certain nombre d’actions concrètes.

Développer une culture d’innovation

La première action est de contribuer à la diffusion des idées liées à l’innovation au sein de l’entreprise. Cela passe également par la construction d’une communauté d’innovateurs au sein de l’entreprise, et par le partage entre métiers des meilleures pratiques en matière d’innovation. Cette culture d’innovation doit toujours garder à l’esprit les usages et les besoins du consommateur final.

Expérimenter l’innovation de rupture

Afin de développer des relais de croissance de long terme, il convient d’expérimenter. De tester des nouveaux outils, souvent libres d’accès. De travailler avec de nouvelles méthodes. De se pencher sur l’analyse des données, véritable mine d’or. D’essayer d’anticiper les nouveaux usages et les disruptions potentielles des chaînes de valeur. D’interroger, en permanence, la pertinence de la relation client.

Tout cela ne peut se faire en risquant de compromettre l’outil de production fonctionnel de l’entreprise. D’où la nécessité de mettre une frontière, aussi petite soit-elle, entre la production et l’expérimentation.  Il ne s’agit pas d’opposer les anciens et les modernes, mais de faire de chaque collaborateur de l’entreprise un Janus, productif et innovant.

Collaborer avec l’écosystème

L’innovation est de plus en plus ouverte sur son écosystème. Rares sont les sociétés capables d’innover en chambre. L’innovation aujourd’hui impose au dirigeant de créer ou d’intensifier les liens avec les start-up qui cherchent à disrupter l’entreprise : par des hackatons, des investissements directs, des recrutements, ou a minima un contact fréquent avec les « barbares ».

Un moyen peut également être de développer des liens avec les fonds de Venture Capital investissant dans le secteur où opère l’entreprise, ou encore le tissu universitaire.

Définir les axes de long terme et les changer fréquemment

L’innovation doit être une composante essentielle de la réflexion stratégique de l’entreprise. Elle doit être totalement intégrée au processus de planification stratégique, budgétaire, et de fusion-acquisition.

Les axes stratégiques d’innovation doivent être revus fréquemment, aussi souvent que nécessaire, et en tout état de cause bien plus que selon un rythme annuel.

Changer le rapport au risque

Bien sûr, le dirigeant demande à ses équipes de prendre des risques. Mais si son premier réflexe, le jour où un projet risqué a échoué, est d’élever la voix ou de sanctionner les imprudents, il y a de fortes chances que les équipes y réfléchissent à deux fois avant de reprendre des risques ! Innover, c’est échouer. Plus exactement, c’est accepter l’échec comme un mal nécessaire de l’innovation. Cela implique de revoir, en profondeur, la culture d’entreprise, le management et la promotion des collaborateurs de l’entreprise.

Sensibiliser les équipes à la démarche

La gouvernance de l’entreprise doit accepter la révolution numérique et s’en imprégner. La direction à son plus haut niveau doit accepter d’être challengée par des directions fortes et innovantes qui intègrent cette dimension numérique. Il faut que l’ensemble des collaborateurs soit sensibilisé à cette démarche ; il faut aussi anticiper la fenêtre de temps où la rupture peut se produire, être prêt au cas où. Il s’agit de partir ni trop tôt ni trop tard, mais être dans les starting-blocks et savoir anticiper.