Par le Bureau d’Etudes Zalis Paris

 

Comme 2023, l’année 2024 a été marquée par des bouleversements économiques, sociaux et technologiques.

Si l’inflation semble désormais sous contrôle et si les premières baisses des coûts énergétiques sont attendues début 2025, le pays fait face à des tensions politiques croissantes et à un déficit budgétaire croissant. À cela s’ajoute le retard de l’Europe face à l’Amérique du Nord et à l’Asie du Sud-Est dans le développement des technologies émergentes.

Les entreprises, quant à elles, doivent s’adapter aux durcissements des conditions de financement et à la prudence des consommateurs. Le nombre de défaillances d’entreprises continue de croître indiquant un contexte économique toujours exigeant et incertain.

 

 

Économie

 

 

La situation de blocage politique en France

 

 

La configuration politique française divisée

 

Répartition des sièges de l’Assemblée nationale après les élections législatives 2024

Source : « Le visage de la nouvelle Assemblée nationale », 8 juillet 2024, STATISTA

Lecture : Un point correspond à un siège de l’Assemblée nationale.

 

En 2024, la situation politique française s’est complexifiée. Après des élections législatives anticipées en juillet, aucune alliance politique n’a été capable de réunir la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Deux mois ont été nécessaires pour former le Gouvernement de Michel BARNIER, avant qu’il ne soit censuré début décembre, nécessitant la reconduction du budget 2024 pour le début de l’année 2025.

Le 13 décembre, Emmanuel MACRON a nommé François BAYROU comme Premier ministre. Bien que son Gouvernement s’efforce de rassembler les différentes forces politiques, le risque d’une nouvelle motion de censure ou d’une dissolution de l’Assemblée nationale – impossible avant le 26 juin – reste important.

 

 

L’agriculture française fragilisée par l’accord UE-Mercosur

Source : « Ultimes tractations sur l’accord de libre-échange UE-Mercosur », 13 novembre 2024, Les Échos

Lecture : En 2023, 5,3 milliards d’euros de minerais ont été importés par l’Union européenne en provenance du Mercosur.

 

Le 6 décembre 2024, la Commission européenne a signé l’accord UE-Mercosur, réduisant les droits de douane entre les deux continents. Cet échange économique suscite des réactions contrastées :

  • L’industrie pharmaceutique, l’automobile, l’aéronautique, les services aux entreprises, ainsi que le secteur du vin et des spiritueux bénéficieront de l’ouverture de nouveaux marchés, représentant des centaines de millions de clients potentiels ;
  • Les agriculteurs français critiquent une concurrence jugée déloyale, liée à des coûts de production plus bas et à des normes de traçabilité moins strictes en Amérique du Sud.

Par ailleurs, la France exprime des réserves quant aux conséquences environnementales de l’accord, dénonçant les risques liés à la déforestation de l’Amazonie.

 

 

Les entreprises françaises confrontées à une nouvelle crise économique

 

 

Nombre de défaillances d’entreprises en France sur douze mois glissants entre 1992 et 2024

Source : « Défaillances d’entreprise -2024-12 », 17 janvier 2025, INSEE

Lecture : Entre janvier 1991 et décembre 1992 inclus, 59 000 entreprises ont fait faillite en France.

 

Le nombre de défaillances d’entreprises (toutes procédures confondues) sur 12 mois a augmenté de 17 % entre 2023 et 2024. Cet indicateur a atteint, depuis octobre, des niveaux supérieurs à ceux observés en 1993 et 2009.

En comparant ces chiffres avec les moyennes de la période 2010-2019, il est à noter :

  • Le nombre de défaillances hors microentreprises en 2024 dépasse de 65 % la moyenne pré-COVID, passant de 3 287 à 5 409 défaillances par an. Ce taux atteint +97 % pour les ETI et grandes entreprises, passant de 33 à 65 ;
  • Les secteurs du transport et de l’entreposage (2 989 défaillances, +57 % par rapport à la moyenne 2010-2019) et des activités financières et assurance (1 688, +47 %) enregistrent les plus fortes hausses du nombre de défaillances ;
  • À l’inverse, les secteurs de l’industrie (4 249, -4 %) et de la construction (14 743, ±0 %) sont les seuls à ne pas enregistrer de hausse du nombre de défaillances.

La majorité des médias considère que ces records restent une conséquence du soutien apporté par l’État aux entreprises durant la crise sanitaire. Ces records pourraient également être dus à une nouvelle crise liée au retard de productivité de l’Europe sur les grandes puissances mondiales.

 

 

 La BCE chargée de concilier stabilité des prix et dynamisme économique

 

 

Taux d’inflation en France et taux de facilité de dépôt de la BCE entre 2017 et 2026 (en %)

Source : graphique réalisé par le bureau d’études de ZALIS. Sources des données :

  • Taux de facilité de dépôt : « Deposit facility – date of changes (raw data) – Level, Euro area (changing composition), Daily », 06 décembre 2024, BCE
  • Inflation : « En octobre 2024, les prix à la consommation augmentent de 0,3 % sur un mois et de 1,2 % sur un an », 15 novembre 2024, INSEE

Lecture : En janvier 2017, le taux d’inflation en France était de 1,30 %, celui de dépôt de facilité de la BCE était de – 0,40 %.

 

À la sortie de la crise sanitaire liée à la Covid-19, l’ensemble des pays occidentaux a subi une forte hausse des prix. À partir de 2022, la Banque centrale européenne (BCE) a progressivement relevé ses taux directeurs jusque-là négatifs, afin de ralentir l’économie et d’encourager l’épargne. Cette politique monétaire a permis de réduire progressivement l’inflation, qui est passée de 6,2 % en avril 2023 à 1,2 % en octobre 2024.

L’objectif de stabilité des prix de la Banque de France vise une inflation proche de 2 %, un seuil considéré comme un compromis entre croissance économique et maintien du pouvoir d’achat des ménages. Une inflation inférieure à ce seuil pourrait exposer l’économie à un risque de récession. C’est ce défi que devront relever les institutions économiques françaises et européennes en 2025.

 

 

 Emploi et société

 

 

Les jeunes et l’emploi dans un contexte d’incertitude

 

 

Source : « Taux de chômage selon l’âge », 13 novembre 2024, INSEE

Lecture : au troisième trimestre 2000, le taux de chômage moyen en France était d’environ 8,5 %.

 

Après une période de baisse depuis 2015, le chômage repart à la hausse durant le quatrième trimestre de 2024. Cette évolution s’explique en partie par le moindre financement des mesures pour l’emploi, nécessaire au redressement des comptes publics français. L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) anticipe ainsi une hausse du taux de chômage à 8 % avant la fin de l’année 2025.

L’année 2024 marque la première augmentation du chômage des jeunes (15 – 24 ans) depuis plus de dix ans. Deux facteurs principaux pourraient expliquer cette tendance :

  • Absence de solution de mobilité : selon une étude « Baromètre de l’éducation Apprenti d’Auteuil 2024. La mobilité, un frein à l’insertion », 15 novembre 2024, Apprenti d’Auteuil [1], 76 % des jeunes âgés de 18 à 24 ans déclarent avoir déjà renoncé à un emploi ou à une formation faute de solution de mobilité adaptée ;
  • Écart croissant entre les compétences acquises dans le système éducatif français et les exigences du marché du travail, couplé à un droit du travail protecteur : ce décalage rend les entreprises plus réticentes à embaucher de jeunes travailleurs car le coût de l’échec est trop élevé.

 

[1] Baromètre de l’éducation Apprentis d’Auteuil 2024. La mobilité, un frein à l’insertion : https://www.apprentis-auteuil.org/actualites/education-et-scolarite/barometre-de-leducation-apprentis-dauteuil-2024-la-mobilite-un-frein-linsertion

 

 

Le retard de l’Europe sur les États-Unis

 

 

L’écart de productivité transatlantique

 

Productivité du travail au sein de l’Union européenne entre 1890 et 2024 en % du niveau des États-Unis

Source : « Productivité : comment l’écart s’est creusé entre l’Europe et les Etats-Unis », 25 octobre 2024, Les Échos

Lecture : En 1890, la productivité du travail dans l’Union européenne représentait 68 % du niveau de celle des États-Unis.

 

Mario DRAGHI, ancien président de la BCE, a rédigé un rapport sur la compétitivité de l’Europe. Ce rapport met en évidence un recul significatif de la productivité du travail au sein de l’Union européenne, passée de 95 % de celle des États-Unis en 1995 à seulement 80 % aujourd’hui.

Cet écart est principalement dû à deux facteurs :

  • Écart de performance majeur dans le secteur de la Tech : en excluant ce secteur, les gains de productivité européens depuis 1980 restent comparables à ceux des États-Unis ;
  • Écart d’évolution de l’offre d’emploi : la progression du PIB par heure de travail depuis 1980 a suivi une trajectoire presque identique des deux côtés de l’Atlantique. Néanmoins, les États-Unis ont accepté une immigration beaucoup plus importante, renforçant la croissance de la population active. À l’inverse, l’Europe a voulu restreindre le temps de travail, diminuant ainsi l’offre de travail.

La récente victoire de Donald TRUMP lors de l’élection présidentielle américaine du 05 novembre 2024 accentue les défis pour l’Europe. Son programme « America First ! », qui prévoit notamment une augmentation des taxes douanières, risque d’intensifier la pression sur la compétitivité européenne.

Mario DRAGHI en appelle à une Europe qui « se réveille » pour relever ces défis.

 

 

La fin du télétravail chez les géants américains

 

Après GOOGLE et META en 2023, AMAZON a annoncé fin septembre 2024 la suppression complète du télétravail pour ses 300 000 salariés à compter du 1er janvier 2025. Les entreprises qui choisissent de revenir à un modèle 100 % présentiel justifient cette décision par l’importance du contact humain et de la communication pour stimuler la créativité.

L’année 2025 marquera donc un tournant dans les modalités de travail, entre contraintes de l’employeur et attentes modernes des salariés.

 

 

La baisse des coûts de l’énergie attendue en 2025 après les hausses de 2022 et 2023

 

 

Prix de l’électricité sur le marché de gros en France entre 2020 et 2024 (en €/MWh)

Source : « Marché de gros de l’électricité : suivez l’évolution des prix spot », 20 novembre 2024, Selectra

Lecture : En janvier 2020, le prix d’un MWh sur le marché de gros était de 40 €.

 

Suite aux événements géopolitiques internationaux, le prix de l’électricité sur le marché de gros a atteint des sommets en 2022, avec une moyenne annuelle à 276 €/MWh (94 €/MWh en 2021 et 45 €/MWh en 2020). L’intervention de l’État avec la mise en place du bouclier tarifaire a permis de lisser dans le temps cette augmentation, protégeant ainsi les entreprises et le pouvoir d’achat des ménages.

 

Prix de l’électricité au tarif réglementé en France entre 2007 et 2024 (en €/kWh)

Source : « Comparatif prix des énergies 2024 : électricité, gaz, fioul, bois, propane », 27 novembre 2024, Selectra

Lecture : En janvier 2007, le prix du kWh en France était de 0,11 €.

 

En 2024, le prix de l’électricité sur le marché de gros a été d’en moyenne 70 €/MWh, soit près de quatre fois moins qu’en 2022. L’allégement du bouclier tarifaire a néanmoins abouti à des factures d’énergie plus lourdes que les deux années précédentes. Pour 2025, le Gouvernement de Michel BARNIER avait annoncé une baisse des prix dès février. Elle devrait avoir lieu malgré le changement de Gouvernement.

 

 

Marchés financiers

 

 

Le CAC40 en difficulté en comparaison avec les principaux indices internationaux

 

 

Évolution des indices boursiers entre déc. 2023 et déc. 2024 (en %)

Source : « CAC 40 », 12 décembre 2024, Zonebourse

Lecture : Entre décembre 2023 et novembre 2024, le CAC40 a perdu 2 % des points de son indice.

 

Les différences de performance entre les indices boursiers s’expliquent par la composition sectorielle qui les caractérise :

  • Le CAC 40, dominé par le secteur du luxe, enregistre une perte de 2 % sur l’année 2024 ;
  • Les indices européens, dont les principales valorisations proviennent des secteurs « banques et assurances » et « production et vente d’énergie », affichent une progression d’environ 9 % ;
  • Les indices américains, axés sur le secteur de la Tech, dévoilent quant à eux une augmentation de plus de 25 % sur un an.

Illustrant la performance des États-Unis dans le secteur de la Tech, les valorisations boursières d’APPLE et NVIDIA ont été, en 2024, les premières à excéder la barre symbolique des 3 000 milliards de dollars.

L’Europe accuse un retard en matière d’innovation face aux États-Unis, notamment dans la Tech, avec des investissements en R&D privée et des fonds de capital-risque bien inférieurs. Les coûts élevés de restructuration en cas d’échec de l’innovation freinent les investisseurs, rendant les projets moins attractifs qu’aux États-Unis. Une réforme structurelle pourrait être nécessaire pour favoriser la compétitivité européenne.[1]

 

[1] Gilles BABINET, Olivier COSTE, « Technologies numériques : comprendre le retard croissant de l’Europe en huit graphiques », 30 novembre 2022, https://www.institutmontaigne.org/expressions/technologies-numeriques-comprendre-le-retard-croissant-de-leurope-en-huit-graphiques

 

 

CONCLUSION

 

 

L’actualité politique française sera à surveiller en 2025. Malgré la volonté fédératrice du Gouvernement de François BAYROU, le risque d’une nouvelle motion de censure ou d’une dissolution de l’Assemblée nationale est important.

Affectés par la reconduction du budget 2024 pour 2025 et l’accord UE-Mercosur, les agriculteurs attendent une réponse forte du Gouvernement afin d’améliorer leur situation. Leur mécontentement, exprimé dès janvier 2024, pourrait se renforcer si des mesures concrètes n’étaient pas prises.

Les prévisions concernant les défaillances d’entreprises en 2025 suggèrent des niveaux records. Le nouveau Gouvernement devra prendre des décisions structurantes afin d’éviter une crise industrielle.

La BCE a annoncé une baisse régulière du taux de facilité de dépôt en 2025, jusqu’à atteindre 2 %. La Banque de France prévoit une inflation autour de 1,5 %.

La conjecture économique et les décisions du Gouvernement auront une influence notable sur l’évolution du chômage, à surveiller dans les mois à venir.

Malgré la motion de censure, la baisse des coûts de l’énergie prévue pour début 2025 par le Gouvernement de Michel BARNIER devrait être maintenue, offrant un soutien potentiel aux ménages et aux entreprises.

Enfin en 2025, il est probable que les tendances boursières observées en 2024 se poursuivent. Malgré une relance du CAC 40 au cours de janvier 2025, les marchés prévoient une dynamique 2025 similaire à la dynamique 2024 s’agissant des secteurs porteurs pour chaque indice.

 

 

RÉFÉRENCES