Un an plus tard, nous avons souhaité donner la parole aux experts de l’équipe Zalis:, Jean Messinesi (Senior Advisor Zalis et Président honoraire du tribunal de commerce de Paris), Robert Lambert (Directeur Général Zalis Auvergne Rhône-Alpes) et Jean-François Habert (Expert Zalis Finance et Trésorerie) autour de diverses réflexions…

 

 

Jean Messinesi, Senior Advisor Zalis et Président honoraire du tribunal de commerce de Paris

 

 

La croissance externe : une solution de sortie de crise

 

 

Lors du premier semestre 2020, l’activité fusion-acquisition des PME s’est effondrée avant de repartir à la hausse au second semestre avec la conclusion d’opérations qui, pour beaucoup, avaient été initiées avant le début de la crise sanitaire.

Traditionnellement, les fusions entre PME ou entre ETI et PME, sous la forme la plus fréquente, la fusion-absorption, sont une solution pour les entreprises qui cherchent à donner une nouvelle accélération à leur croissance. Gagner des parts de marché, mieux maîtriser la concurrence, améliorer leurs marges en abaissant leurs coûts, acquérir un savoir-faire sont autant de motivations qui sont à l’origine du lancement d’une opération de fusion.

La crise a ouvert de nouvelles perspectives de fusions-acquisitions pour les PME/ETI. Les motivations demeurent les mêmes mais les opportunités se sont élargies. Il est clair que beaucoup d’entreprises ont conservé un bilan solide et une trésorerie saine, ceci dans nombre de secteurs, sauf sans doute dans ceux comme l’hôtellerie restauration, la culture ou l’évènementiel qui ont été touchés de plein fouet par la crise. Bien entendu, certaines entreprises, même dans les secteurs d’activité qui ont moins souffert, ont été fragilisées par la crise. Ce sont celles-ci qui constituent aujourd’hui de nouvelles opportunités.

Il faut préparer le rebond dès maintenant ; les entreprises qui le peuvent financièrement parce que leur bilan est suffisamment sain pour qu’elles puissent trouver les financements nécessaires, doivent dès maintenant élaborer leur stratégie de croissance externe, choisir leur cible, étudier leur plan d’intégration et faire toutes les diligences nécessaires pour assurer le succès d’une opération qui n’est jamais anodine.

Enfin, on va assister dans peu de temps à une multiplication des procédures collectives au sein des tribunaux de commerce. Ceci va également multiplier les opportunités de reprise de concurrents ou de fournisseurs qui, dans la plupart des cas, auront été fragilisés financièrement mais pas obligatoirement dans la maitrise de leur savoir-faire. Il ne faut pas négliger ces opportunités.

Pour cela, il faut s’entourer des meilleurs professionnels. Zalis, grâce à son implantation en France, en Belgique, aux USA et au Maroc, grâce à sa connaissance intime de certains secteurs industriels et de services, sera un partenaire essentiel dans le choix de la stratégie, de l’identification de la cible, de la gestion des problèmes humains et de l’intégration qu’une fusion implique.

En tout état de cause, une fusion ne s’improvise pas, elle se construit méthodiquement et dans la durée. Il s’agit toujours d’un projet à long terme qui doit être étudié avec l’aide de professionnels et qui repose aussi sur l’enthousiasme du dirigeant et de son équipe.

 

 

Robert Lambert, Directeur Général Zalis Auvergne Rhône-Alpes

 

 

Et si la sortie de la crise était l’occasion de redessiner nos modes de vie et de travail ?

 

 

La crise a forcé sur nos modes de vie et de travail de nombreux nouveaux « possibles », liés à au digital, mais également à de nouveaux modes d’encadrement et de travail. Possible signifie techniquement faisable, mais pas toujours souhaitable sur le long terme. Un exemple type est le télétravail, qui peut apporter de nombreux avantages : économie de temps et de transports pour l’employé, d’espace pour l’employeur. Cependant, si on est dans un appartement exigu, avec une famille, les conditions de travail peuvent rapidement devenir difficiles, avec un effet de solitude très pénalisant. Et c’est ainsi que de nombreux télétravailleurs vont préférer affronter des transports bondés, une heure ou plus de déplacement le matin et autant le soir, avec de la fatigue, pour retrouver une vie sociale…

Le maintien des solutions de crises est difficile, mais dans tous les cas, un retour au statut ante serait une erreur génératrice de frustration, il faut donc mettre en place de nouvelles initiatives. Comment construire de nouveaux modes de travail, allier le meilleur de ce qui a été forcé, avec les attentes des collaborateurs et du marché ?

Reconnaissons tout d’abord qu’il y a deux types de population, celle qui ne pourra jamais télétravailler, parce qu’en contact direct du produit : production, logistique, encadrement de premier niveau, maintenance, ou dans des services : accueil, vendeurs, services à la personne, santé…, et ceux qui le peuvent techniquement.

Tous ceux qui ne peuvent pas télétravailler ont connu des expériences à la fois stressantes, avec un risque certain sur le lieu de travail, et un environnement nouveau, avec un encadrement plus éloigné, une responsabilité accrue, des capacités d’initiatives dans un cadre sanitaire précis. A la sortie de la crise, ces personnes auront nécessairement des attentes et un besoin de reconnaissance. Il sera alors impossible de dire « on oublie tout, et on repart comme avant ». Non seulement, humainement ce n’est pas acceptable, mais de plus ce serait une opportunité économique manquée. Les responsables d’entreprise et leurs RH ont la chance extraordinaire de pouvoir lancer un véritable dialogue social pour identifier ce qui a bien fonctionné, les aspirations, et toiletter l’ensemble du système. Dans la majorité des cas, on ne parlera pas de « révolution » mais d’un ensemble de petits ajustements. La révolution portera sur la notion d’ensemble, beaucoup plus que sur un ajustement particulier : un peu plus d’autonomie, procédures raccourcies, encadrement plus à l’écoute…Chaque entité a ainsi la possibilité de redéfinir son modèle opérationnel basé sur une véritable expérimentation. Très souvent, le changement est difficile, ici, basé sur un bon dialogue, le champ des opportunités peut s’ouvrir.

Bien évidemment, ce qui vaut pour ceux qui n’ont pas télétravaillé vaut également pour ceux qui ont télétravaillé, et le même type de démarche devra être initié. Une question supplémentaire se posera : comment concilier les bénéfices du télétravail et ses inconvénients ? Les avantages sont clairement identifiables : gain d’espace pour l’employeur, gain de temps et de fatigue pour l’employé. Gardons en mémoire que dans une grande agglomération, un trajet d’une heure ou une heure trente n’est pas exceptionnel, ce qui fait 2 à 3 heures par jour. Les principaux inconvénients du télétravail sont également assez clairs : outre les aspects de sécurité informatique, il y a la notion d’appartenance à l’entreprise tant pour l’entreprise que pour l’employé, le confort de travail et la solitude pour l’employé. Dans un certain nombre de cas, la réconciliation de ces contraires pourra sembler impossible. Cependant, avec un peu de créativité et quelques moyens techniques, des solutions intermédiaires pourraient peut-être se dessiner. Ces solutions pourraient se développer autour d’espaces de coworking largement décentralisés, combinés avec une présence partielle au bureau, par exemple 3 jours par semaine dans un espace de coworking proche du domicile de l’employé et 2 jours au bureau (ou tout autre proportion).

La mise en place d’une telle solution, quand elle est possible, présenterait un certain nombre d’avantages pour l’employé, l’entreprise, et la société civile en général. Sur la base du bon mix bureau, coworking, à discuter cas par cas, le sentiment d’appartenance à l’entreprise serait maintenu, les aspects de solitude en télétravail et les mauvaise conditions du « à la maison » seraient éliminées. L’employé pourra même tisser de nouveaux liens sociaux avec d’autres, tout en bénéficiant de l’essentiel des économies de temps. D’un point de vue économique, l’entreprise en pilotant ses rotations au bureau pourra réduire ses besoins en espace, et ré-investir une partie de ces économies sur la location des espaces de coworking.

La mise en place de tels systèmes aura un autre avantage pour la société civile : la réduction du besoin de transports. Tout le monde a pu constater que les confinements ont un effet majeur sur la fluidité des transports en commun et routiers, et sur la pollution. La différence entre un trafic dense mais encore fluide et un trafic bloqué se joue à quelques petits points… Vu sous cet angle, le développement concerté entre le monde des employeurs et les collectivités locales et régionales d’espaces de coworking pourrait devenir une alternative au développement des transports, qui sont systématiquement taillés et dimensionnés pour les heures de pointe, et surdimensionnés le reste du temps. Beaucoup de politiques ont essayé de délocaliser des entreprises pour les rapprocher de zones de résidences. Le digital peut permettre d’obtenir un effet similaire, en douceur et par capillarité : rapprocher nombre d’emplois de bureau des employés par le télétravail bien compris.

Outre les enjeux financiers traditionnels sur lesquels Bercy et Bruxelles travaillent, la sortie de crise peut et doit être la chance de redéfinir nos modes de vie et de travail. La prise en compte des besoins humains peut devenir le catalyseur du rebond. La mise en place de l’ensemble des petites solutions dans un cadre d’écoute sociale pour chaque entreprise, avec les bons relais politiques, régionaux peut apporter des bénéfices à tous : entreprises, employés et collectivités. Il est évident que les choses seront graduelles, mais elles peuvent devenir très importantes collectivement. Et de plus, de toute évidence, ceux qui joueront ce jeu en tireront de nombreux bénéfices.

 

 

Jean-François Habert, Expert ZALIS en Immobilier et Finance

 

 

Tourisme Hôtellerie Restauration : après la crise, marasme ou renaissance ?

 

N’en déplaise aux éternels grincheux, les secteurs économiques dans lesquels les sociétés françaises dominent leurs homologues allemands sont finalement assez nombreux : le luxe, les activités financières, l’agro-alimentaire, les services aux collectivités, pour n’en citer que quelques-uns,… sans oublier naturellement le tourisme et l’hôtellerie-restauration, secteur auquel nous allons nous intéresser aujourd’hui.

Quelques chiffres pour situer l’enjeu d’un secteur fortement abîmé par la crise que nous connaissons : en y incluant les activités connexes, le secteur revendique 1 million d’Entreprises et 3 millions d’emplois, soit environ 8.5% du PIB national ; la France s’enorgueillit avec raison d’être la première destination mondiale avec 89 millions de visiteurs en 2019, ayant dépensé sur notre sol quelques 67 milliards d’USD. La mise en pause de cette success-story explique par ailleurs partiellement le différentiel de baisse de régime de notre économie avec notre voisin d’outre-Rhin (dont les chiffres correspondants sont de 39 millions de visiteurs et de 43 milliards d’USD, ce qui, soit dit en passant n’est pas si mal en regard de la condescendance que l’on pourrait avoir en la matière vis-à-vis de notre rival et partenaire, réputé moins gâté par l’histoire, la géographie et la nature– 7ème rang mondial en 2019 !).

Dans les circonstances présentes, il s’agit de sauver un des secteurs-clé de notre économie, en attendant une reprise forcément graduelle de l’activité avec les retours successivement attendus des clientèles nationales, européennes et mondiales vers nos musées, monuments, plages ou chemins de montagne…

Pour l’Etat et les Entreprises, il s’agira de piloter au mieux cette transition en évitant les récifs –nombreux- susceptibles d’endommager, voire d’envoyer par le fonds des milliers d’entreprises…Nous nous proposons ici de faire un rapide repérage des dangers qui guettent les acteurs du secteur et de suggérer un cap pour un retour rapide vers la haute-mer.

Notre analyse partira d’une constatation fondamentale : contrairement à certaines activités dont la crise sanitaire a affecté durablement voire définitivement la demande (le commerce de détail, la restauration d’entreprise…), la demande globale pour le secteur de l’Hôtellerie-Tourisme sortira plutôt renforcée de ces périodes de confinement qui ont souligné par contraste la nécessité de s’évader, découvrir ou échanger. Seule la composante « voyages d’affaires » apparaît négativement impactée –pour combien de temps ?- et son déclin sera probablement compensépar une appétence accrue pour les séjours d’agrément.

Il s’agira donc pour les pouvoirs Publics et les Dirigeants, on l’a compris, de maintenir à flot les différents acteurs, et de préparer au mieux le futur redécollage du secteur.

Pour l’Etat principal maître du jeu, il s’agira principalement de soulager la trésorerie des différents acteurs pour éviter les faillites, en évitant cependant 3 écueils principaux :

 

  • Le soutien inutile des entreprises-zombies: elles sont particulièrement nombreuses dans le secteur de la restauration, avec nombre de très petits établissements ne vivotant qu’au prix de certains accommodements avec les règles sociales et fiscales, voire sanitaires. On sait les conséquences néfastes du maintien d’un secteur non performant, tirant par le bas les performances d’ensemble de toute une activité et coûtant fort cher à la collectivité ;

 

  • Des délais de remboursement des prêts trop courts: c’est le principal danger qui guette les entreprises du secteur, dont l’endettement s’est considérablement alourdi depuis le début de la crise. A titre d’exemple, La compagnie des Alpes a fait état d’un endettement financier passé  de 540 à 648 m€ au cours de l’exercice clos le 30 septembre 2020, avec, dans le même temps, un Free cash-flow passant de 27 m€ à – 67 m€. Les lignes de trésorerie mises en place ont par ailleurs été considérables ; 300 m€ de PGE et 147 m€ de lignes bancaires.

 

  • Il convient pour l’Etat de naviguer au plus près entre subventions pures et simples des pertes (tendance actuelle, mais là aussi, le « quoi qu’il en coûte » va coûter très cher au contribuable) et règle de remboursement des emprunts…. Souplesse et discernement devront donc être les maîtres mots du pilotage du remboursement de ces prêts, les Banques, gestionnaires des prêts pour le compte de l’Etat, auront ici un rôle-clé à jouer, et devraient être incitées à refinancer les PGE des entreprises saines mais affaiblies, en lien éventuel avec l’établissement de plans de progrès que nous aborderons plus loin.

 

  • Des effets d’aubaine, dont on peut penser qu’ils existent en nombre indéterminé, notamment en liaison avec les mécanismes d’indemnisation pure et simple des EBE négatifs à hauteur de 70 % de leur montant. La mise en place d’un système déclaratif à maille trop large est ici en cause : l’immense majorité des déclarations d’EBE, malgré leur certification par les réseaux d’expertise comptable, ne seront jamais contrôlées a posteriori par les services de l’Etat, faute de moyens suffisants… Le système aurait été autrement plus efficace en prenant en référence l’EBE dans sa version « cash » et non dans sa version comptable, cette dernière pouvant donner lieu, comme chacun sait, à un certain nombre d’interprétations quant à l’évaluation des charges non décaissées.

 

Quoiqu’il en soit, le secteur du tourisme/hôtellerie ressortira éprouvé et endetté de cette inimaginable crise historique (à titre d’illustration, la publication du CA du 1er semestre 2021 de la Compagnie des Alpes fait ressortir une baisse de 93 % par rapport au 1S 2020…et de 99.4% pour les domaines skiables !) Une fois l’enjeu de survie immédiate atteint (cf ci-avant), comment peut-on orienter ou compléter les dispositifs d’aides quantitatifs au mieux des intérêts des acteurs et de l’économie du pays ?

2 axes nous semblent porteurs d’intérêt :

  • Encourager les consolidations sectorielles où les plus solides pourraient reprendre les fragiles et/ou les mal gérés,

Les activités dans lesquelles ces consolidations pourraient s’envisager sont nombreuses :

  • l’hôtellerie / restauration, avec le rachat d’établissements familiaux par des groupes plus importants, capables de financer des opérations de rénovation/montée en gamme ;
  • les parcs d’attraction et les remontées mécaniques, secteurs parmi lesquels certaines Entreprises performantes pourraient être les acteurs d’une consolidation déjà largement avancée ; le thermalisme, secteur encore trop éclaté en dépit de la présence accrue d’opérateurs industriels et qui gagnerait à poursuivre sa diversification vers les soins de bien-être, sa modernisation, son ouverture à une clientèle étrangère voire son internationalisation…
  • Les innombrables musées de nos régions, gérés pour le meilleur et pour le pire par des associations ou par les communes, mériteraient également la présence accrue d’opérateurs professionnels ouverts aux techniques du suivi-qualité, marketing de la commercialisation et du merchandising…

 

  • Œuvrer à l’accroissement de l’attractivité de la destination « France », par le fléchage des aides vers l’investissement et la formation.

Talon d’Achille de nos activités réceptives, la formation du personnel, en particulier en matière de maîtrise des langues étrangères, de « savoir être », de qualité… mérite d’être renforcée.

La rénovation du parc hôtelier, largement initiée, doit être menée à son terme pour éradiquer les établissements indignes de nos ambitions touristiques, l’ « hôtellerie de plein air », dont les progrès qualitatifs depuis une dizaine d’années, sous la houlette d’une nouvelle génération d’opérateurs, souvent détenus par des actionnaires financiers, est remarquable, mérite, elle aussi, d’être poursuivie et encouragée…

En considération du retour escompté à des niveaux d’activité et de profitabilité normaux, nous proposons que les incitations soient de nature financière, mais également fiscale :

  • Adoption d’un crédit d’impôt spécifique basé sur le différentiel de frais de formation entre la période 2018/2019 et chaque année de la période 2022/ 2025
  • Création de dispositifs encourageant et facilitant les rapprochements : prêts bonifiés, consolidation et rééchelonnement de l’endettement existant…
  • Accélération des amortissements fiscaux des plans d’investissements…

 

En complément à ces mesures fiscales, l’Etat pourrait se doter d’une enveloppe destinée à garantir (à 50% ?) le refinancement partiel des PGE, qui serait octroyé au vu des plans de formation et d’investissement des demandeurs. Chaque demande d’aménagement devrait être accompagnée d’un plan de progrès, pas nécessairement coûteux, mais impératif. Ces dispositions devraient également procéder de la « chasse aux zombies » et dissuader les opportunistes.

En conclusion, s’agissant d’activités pour la plupart pérennes et profitables, l’Etat doit veiller avant tout à sauvegarder les acteurs, les savoir-faire et les emplois et à faire en sorte que les moyens financiers considérables engagés ne servent pas à financer des causes perdues, voire des actionnaires peu scrupuleux. Souplesse, discernement, mais également contrôle sont les mots d’ordre de la politique à déployer, en veillant dans ce domaine, plus que tout autre, à ce que l’argent public soit investi et non consommé, pour le bien de la collectivité nationale.