Nous avons souhaité donner la parole aux experts de l’équipe Zalis: Jean-François Habert (Expert Zalis Finance et Trésorerie), Jean Messinesi (Senior Advisor Zalis et Président honoraire du tribunal de commerce de Paris) et Robert Lambert (Directeur Général Zalis Auvergne Rhône-Alpes). Sur le sujet…

 

Mais que deviendront les PGE ? Point à date sur les pistes à l’étude, nos explications chez Zalis...

 

 

Jean-François Habert, Expert ZALIS en Finance

 

« 131 Milliards d’Euros ! C’est le montant au 15 janvier 2021 des PGE accordés. C’est un montant considérable, égal à près de deux fois le produit de l’Impôt sur le revenu ou à 80 % des recettes de TVA. »

 

Un an après le début de la crise sanitaire, il parait intéressant de faire le point sur les bouleversements financiers que celle-ci a engendrés, et sur leurs conséquences économiques et financières à moyen et long termes. Nous nous proposons aujourd’hui de faire le point sur les Prêts Garantis par l’Etat (PGE), pierre angulaire du soutien financier aux Entreprises, avec les mesures relatives aux Charges sociales et au chômage partiel.

131 Milliards d’Euros ! C’est le montant au 15 janvier 2021 des PGE accordés. C’est un montant considérable, égal à près de deux fois le produit de l’Impôt sur le revenu ou à 80 % des recettes de TVA. Il ne représente cependant qu’une hausse de 15% de l’en-cours de crédit accordé à l’ensemble du tissu industriel français.

Nous interroger sur le sort que l’avenir réserve à ces dizaines de milliards d’Euros, nécessite préalablement de nous intéresser dans un premier temps au profil des bénéficiaires de ces aides, puis, dans un second temps, à l’usage des fonds octroyés.

Les bénéficiaires : « nécessiteux » ou « opportunistes », quasi exclusivement des PME/TPE

La consultation du rapport de suivi des PGE publié par la Banque de France, et daté du 15 janvier dernier, nous livre une fort intéressante analyse pluri-dimensionnelle de l’octroi des prêts, on y relève notamment que :

  • Par taille d’entreprise, 75% du montant des crédits ont été adjugés aux PME TPE, qui représentent 99.8% des dossiers ! les TPE comptent pour 88% des dossiers et 40% des montants, soit quand même 92 k€ par prêt (à rapprocher d’un CA moyen des TPE estimé autour de 500 k€, on peut donc penser que cette facilité a été sollicitée à son maximum par les bénéficiaires).
  • Par nature d’activité, les bénéficiaires des PGE ne sont pas tout à fait ceux que l’on imagine:
    • En valeur absolue, figurent en tête non les entreprises de restauration, des transports ou des loisirs, mais le commerce (31 G€), les industries manufacturières (21 G€) et en 3ème position les « activités spécialisées scientifiques et techniques », soit dans le jargon Insee la nébuleuse des conseils aux Entreprises, depuis la publicité jusqu’aux métiers de l’ingénierie et du chiffre. L’hébergement et la Restauration n’ont bénéficié que de 7% des montants, les transports et l’entreposage d’un montant quasi équivalent.
    • La Banque de France livre également une analyse intéressante en « intensité de recours au PGE », qui est le quotient entre la part de PGE distribuée et la part de la valeur ajoutée nationale, et dans ce classement des demandeurs d’aide figure curieusement, au premier rang, les activités « financières et d’assurance », devant la restauration/hébergement et le commerce.
    • Enfin, par solvabilité, les chiffres cités ont de quoi a priori inquiéter :
      • Tout d’abord, 45 G€ d’en-cours ont été accordés à des bénéficiaires sans rating Banque de France, probablement une écrasante majorité de TPE ;
      • Parmi les Entreprises évaluées, 39% des PGE ont été accordées à des Entreprises à solvabilité « faible « ou « assez faible », et 3 % « Très faible » ou « compromise » (pour 2.5 G€) : cela laisse planer un risque théorique sur 37 G€ de créances, sans compter les 45 G€ de prêts cités précédemment.

Voyons à présent ce qu’il en est de l’usage de ces prêts.

Les usages : un endettement largement thésaurisé

Selon la Banque de France, l’endettement des Entreprises a augmenté de 217 Milliards d’Euros en 2020, et la trésorerie des Sociétés non Financières.de 200 G€ !

Même si ces deux chiffres ne sont pas parfaitement homothétiques, ils laissent penser que de nombreux dirigeants ont fait une demande de PGE par précaution, voire par pur opportunisme, l’absence de contraintes d’éligibilité et d’utilisation expliquant largement le phénomène, et illustre bien la magnanimité de l’exécutif et les dérives du « quoi qu’il en coûte »…

On imagine donc un paysage d’emprunteurs extrêmement varié, avec d’un côté un large quota d’emprunteurs-thésaurisateurs à l’affût d’opportunités d’investissement et ne présentant pas de risque de solvabilité, et de l’autre des entreprises exsangues, dont beaucoup de TPE, à la merci du dépôt de bilan. Entre les deux, des entreprises viables, mais durement « secouées » par la crise…

C’est à elles que s’adressent les 20 milliards d’Euros du Programmes de Prêts Participatifs de l’Etat que nous aborderons plus loin, en envisageant le futur des PGE.

Quel avenir pour les PGE ?

Une très large majorité de prêts sera naturellement remboursée

Tout d’abord, ne laissons pas planer d’ambigüité : tout emprunt a vocation à être remboursé, sous peine de mettre en péril les fondamentaux de nos systèmes économiques et financiers. Seul un créancier peut remettre une dette, pour des raisons d’ailleurs intéressées ou désintéressées, mais nullement un intervenant extérieur, fût-ce le législateur ; sinon, il s’agit d’un défaut aux graves conséquences. Entre les deux, des mesures de réaménagement peuvent être discutées de gré à gré, bien naturellement. On comprend alors pourquoi la BCE a parfaitement raison de faire « rouler » les emprunts, en excluant formellement de les annuler.

Donc, pour en revenir à nos PGE, la très grande majorité des prêts (en montants) vivra une vie sans histoire et sera remboursée, et ce, de la part non seulement des entreprises sans problèmes, grandes ou petites, mais également d’une part importante des TPE en nom propre dont les dirigeants, pour éviter les conséquences d’une faillite douloureuse, feront tout pour honorer leurs échéances.

Qu’en sera-t-il des autres prêts ?

Là encore, il faut schématiquement dissocier ceux qui iront « au tapis », dans le cadre de la vague des dépôts de bilans annoncée, et ceux qui peuvent –ou mieux, qui méritent- d’être sauvés.

Le nouveau programme d’aide de 20 milliards* : une bonne idée…qui ne va pas assez loin…

De quoi s’agit-il ? Il s’agit de flécher l’épargne collective des ménages (assurance-vie, gestion collective…) vers des prêts aux Entreprises accordés et gérés par le réseau bancaire, avec une garantie de l’Etat ramenée à 30 %. L’enveloppe de 20 g€ serait répartie entre 14 G€ de Prêts participatifs avec le soutien de l’Etat (PPSE) et obligations subordonnées distribuées par des sociétés de gestion, pour le reliquat. L’octroi des prêts, sur décision des Banques, serait limité aux entreprises de plus de 2 m€ de CA, et, en montant, ne pourraient excéder 8 à 13 % du CA. Ces concours, remboursés sur 4 ans après 4 ans de franchise d’amortissement, seraient destinés prioritairement à l’investissement.

Globalement, l’idée est louable, en ce qu’elle cherche la meilleure utilisation des 200 G€ thésaurisés par les ménages à l’occasion de la pandémie, au service d’une cause doublement juste, de l’investissement et des PME. Le dispositif apparaît quantitativement bien calibré en regard de sa cible, et le schéma de fonctionnement (les banques gèrent et distribuent, les assureurs souscrivent et les ménages financent), de type « B to B » est pertinent. En termes de garantie, l’épargnant se substitue pour une large part au contribuable, ce qui est moralement plus correct, bien qu’en pratique ces deux populations se confondent largement.

Alors que reprocher à ce nouveau dispositif ?

D’abord, le PPSE n’a de participatif que le nom. Le propre d’un prêt participatif, c’est de ne pas avoir d’échéancier précis, et d’être remboursé au mieux de l’intérêt du débiteur. Nous en sommes loin avec cette échéance de 8 ans, dont au moins 3 exercices de remboursement se superposent avec les échéanciers des PGE. La mise à disposition sélective de « vrais « PGE, remboursables uniquement en cas de cession de fonds de commerce, aurait à notre sens répondu davantage à l’exigence universellement énoncée de renforcement des fonds propres de nos Entreprises.

Ensuite, mais l’exercice est difficile, de présenter des taux un peu trop élevés (4 à 6 %) pour les emprunteurs, et pas assez pour les prêteurs (autour de 2%), la faute aux coûts élevés de garantie et de gestion/distribution.

Enfin, de mettre les banques en position de juge et partie en matière d’octroi des prêts, les conflits d’intérêts étant inévitables pour celles-ci.

En conclusion

La très large ouverture du guichet de distribution des PGE, y compris à une large population d’Entreprises n’en ayant de facto pas besoin présente le double avantage, pour cette frange de bénéficiaire tout au moins, de limiter les risques d’insolvabilité et d’alimenter, via des taux d’intérêts non négligeables, les marges des banques prêteuses. Elle permet également de financer l’investissement et, au risque d’être cynique, la reprise par des acteurs solvables de leurs concurrents plus fragiles ou malchanceux.

En ce qui concerne les entreprises en état de réelle nécessité, les PGE représentent schématiquement de l’ordre de 1 à 2 ans de free cash-flow, à rembourser sur 5 ans, soit une part de 20 à 40 % du cash généré sur la période. C’est jouable pour une société saine, probablement au prix d’une baisse des investissements (d’où les PPSE…). Pour les autres, il est difficile de recourir à des mécanismes de subventions, coûteux pour l’Etat et générateurs de distorsions de concurrence, sans parler des effets d’aubaine et du maintien en vie de « sociétés-zombies ». Il semblerait là aussi que des « vrais» prêts participatifs, octroyés de façon sélective, puissent être un début de solution.

Pour paraphraser le vocabulaire médical, le rapport coût/bénéfice des PGE apparaît en définitive très favorable, et ne représentera pour les finances publiques qu’une charge financière très minoritaire dans le coût des dispositifs de soutien à l’économie.

*A l’heure où sont écrites ces lignes, le programme de l’Etat n’est pas encore parfaitement défini ni finalisé.

 

 

Jean Messinesi, Senior Advisor Zalis et Président honoraire du tribunal de commerce de Paris

 

« Le PGE n’est clairement pas un prêt bancaire comme les autres et il faut se poser la question de savoir comment il doit être traité par ces entreprises qui, sans ce soutien, se seraient retrouvées rapidement au tribunal de commerce en état de cessation des paiements. »

 

En mars 2020, face à la pandémie et aux mesures de confinement qui devaient provoquer la plus sévère récession qu’ait connu la France depuis la seconde guerre mondiale, le gouvernement prit plusieurs mesures importantes pour soutenir les entreprises et les salariés.

Les Prêts Garantis par l’Etat (PGE) ont ainsi permis aux entreprises dont l’activité s’est retrouvée du jour au lendemain très réduite, de faire face à des besoins que leur trésorerie ne pouvait satisfaire. D’autres qui n’étaient pas directement impactées par la crise sanitaire pouvaient elles aussi y avoir recours, et un grand nombre d’entre elle le firent.

Entre mars 2020 et fin janvier 2021, plus de 650.000 entreprises, dont certaines parmi les plus grandes, ont ainsi fait appel à des PGE pour un montant global de près de 135 milliards d’euros.

L’Acte I des PGE se terminera fin juin 2021, date de la fermeture de l’accès à cette facilité.

L’Acte II, celui du remboursement des prêts contractés, s’ouvre en ce moment puisqu’à l’origine l’amortissement d’un PGE débutait au premier anniversaire de l’obtention du prêt et pouvait s’étaler sur une durée de 1 à 5 ans. Disposition qui a été modifiée le 14 janvier dernier lorsque le Ministre de l’Economie a annoncé que toutes les entreprises qui le souhaiteraient pourraient obtenir un différé d’un an supplémentaire avant de commencer à rembourser leur PGE.

La fin de la crise et le rebond espéré tardent à venir.

Le PGE n’est clairement pas un prêt bancaire comme les autres et il faut se poser la question de savoir comment il doit être traité par ces entreprises qui, sans ce soutien, se seraient retrouvées rapidement au tribunal de commerce en état de cessation des paiements. Ce prêt que seule justifiait la crise économique et financière, induite par la crise sanitaire, ne saurait être considéré comme un banal prêt de trésorerie qu’un retour à une situation saisonnière plus favorable permettrait d’amortir sans difficulté.

Par ailleurs, il est essentiel que le traitement de ces prêts ne compromette pas le rebond, c’est-à-dire le redémarrage des entreprises qui en ont bénéficié. L’entreprise qui a souscrit un PGE doit pouvoir consacrer en priorité ses ressources à sa participation au rebond de l’économie ; c’est pourquoi il ne serait pas raisonnable que le système bancaire, au nom des 10% de risque qu’il porte, exige, en particulier en justice, le remboursement de ces prêts. Ceci signifie qu’à terme des solutions imaginatives devront être trouvées reconnaissant le caractère particulier des circonstances dans lesquelles ces prêts ont été proposés aux entreprises.

L’Etat a déjà permis aux entreprises de repousser d’un an la date du début d’amortissement. Il faudra sans aucun doute faire beaucoup mieux et le Ministre de l’Economie dit qu’il étudie d’autres pistes vde traitement des PGE en fonctions des situations sectorielles et individuelles.

Dès le 23 mai 2020, Jean-François Habert, Expert Zalis en finance et trésorerie, plaidait dans la Newsletter pour une conversion des PGE en obligations perpétuelles, solution simple et efficace, écrivait-il.

Pour sa part, Philippe Arraou, ancien Président de l’Ordre des Experts-comptables prônait, afin de sortir les PGE de la dette de l’entreprise, de les « remonter » en quasi-fonds propres à travers des prêts participatifs. Car au-delà du risque d’asphyxie de l’entreprise face à une dette qui, en d’autres circonstances, aurait été jugée déraisonnable, il faut que l’analyse du bilan prenne en compte les circonstances exceptionnelles qui prévalaient lors de la souscription du PGE. Or, ni la Banque de France, ni les analystes des banques ne pourront ignorer cet endettement s’il ne change pas de nature.

En janvier dernier, le Ministre de l’Economie a indiqué au Sénat qu’il n’excluait pas la conversion de certains PGE pour certaines entreprises particulièrement touchées par la crise, en subventions.

En mettant en place les PGE, le gouvernement a sauvé nombre d’entreprises qui sans ce soutien n’auraient pas survécu. Il faut persévérer ; il ne s’agit pas simplement d’éviter que les tribunaux de commerce soient noyés sous un tsunami de dépôts de bilan, dont il n’est pas évident qu’ils sauraient comment les traiter, tant une déclaration de cessation des paiements pour retard d’amortissement d’un PGE souvent ne reflètera pas la véritable situation de l’entreprise. Il faut que ces entreprises, dont la plupart sont intrinsèquement saines, puisse participer au rebond et entrer dans une trajectoire vertueuse.

Entre l’allongement des maturités, la conversion des PGE en prêts participatifs ou en obligations perpétuelles, ou même en subventions, au cas par cas et lorsque le contexte le justifie, les pistes de réflexion sont somme toute assez banales, mais encore faut-il que la Commission Européenne qui semble réticente devant certaines de ces propositions, comprenne que pour permettre la sortie de crise et le rebond il faut vaincre la pusillanimité que même les conjonctures « normales » ne justifient pas.

 

 

Robert Lambert, Directeur Général Zalis Auvergne Rhône-Alpes

 

« Remboursement des PGE… parlons plutôt d’un véritable plan de recapitalisation des entreprises »

 

Il y a eu la bulle internet, il y a eu la bulle financière, y aura-t-il une bulle PGE ? Reconnaissons tout d’abord que les autorités ont su mettre en place, en un temps record, un outil qui a permis aux entreprises de traverser la période Covid avec des liquidités suffisantes, y compris certaines qui dans des conditions normales n’auraient pas survécu.

La question de la gestion de cette dette et de son impact sur les entreprises se pose maintenant que les perspectives de sortie du COVID semblent se préciser. Mais plutôt que de discuter des mesures de remboursement de cette dette, ou de mise en place de nouvelles liquidités, plan de relance et autres, il nous semble intéressant de réfléchir à l’impact de cette dette en fonction de la situation financière et concurrentielle des différents acteurs.

En effet, dans le cas d’une entreprise soumise à une concurrence limitée, un restaurant de quartier, une entreprise artisanale ou une petite entreprise de service, si la situation de rentabilité initiale était acceptable, le remboursement du PGE sera possible. Il sera éventuellement facilité par des allongements de maturité. Les conséquences seront limitées, ralentissant certains investissements par exemple, mais la survie de ces entités ne sera pas remise en cause.

Prenons maintenant le cas de deux sociétés de taille équivalente, avec un EBITDA similaire et acceptable, et en concurrence frontale. A l’entrée de la période COVID, supposons que la première ait un ratio d’endettement élevé, mais non létal, et que la deuxième ne soit pas endettée. Elles ont souscrit toutes les deux des PGE de même montant. A la sortie de la période COVID, l’une est surendettée, l’autre raisonnablement endettée. Hors concurrence, avec une rentabilité acceptable, la première pourrait envisager de rembourser sa dette, et de préserver sa pérennité. Avec une forte concurrence, et en état de surendettement, ses capacités d’investir en équipement, R/D, communication sont fortement réduites par rapport à sa concurrente moins endettée. Il s’en suivra une dégradation graduelle et continue de sa compétitivité, pouvant conduire à sa disparition. C’est un phénomène que les administrateurs judiciaires et les présidents des Tribunaux de Commerce connaissent bien, dans le cas de défaillance de certains LBO, où les remboursements de dette conduisent à l’épuisement de l’entreprise lorsque les conditions de concurrence initiales et les besoins de financement n’ont pas été assez bien estimés. Au bout de trois ou quatre années, l’entreprise qui n’a pas assez investi voit sa rentabilité et son EBITDA baisser, et ne peut plus honorer sa dette. Dans le cadre d’un périmètre national, même si la disparition d’une entreprise crée localement des drames humains, on peut considérer qu’il s’agit d’un jeu à somme nulle et que le fonds de commerce qui disparaît sera transféré aux concurrents français. Il s’agit donc d’un problème au niveau d’une entreprise, mais l’effet économique global reste limité.

Raisonnons au niveau de l’UE , supposons que la première entreprise soit française, l’autre allemande par exemple. Les mêmes causes, différentiel de ratio d’endettement en particulier, produiront les mêmes effets. De nombreuses ETI, PME françaises souffraient avant COVID d’une sous-capitalisation par rapport à leurs concurrents internationaux, allemands en particulier. Le poids de la dette additionnelle (PGE) consécutive à cette période sera d’autant plus important, que l’endettement initial était significatif. Il existe donc un risque non négligeable de voir à terme un affaiblissement global de ces entreprises, avec un risque de perte de leur autonomie. Les moratoires de remboursement repousseront cet effet, mais ne l’élimineront pas. Le surcroît de dette, qui a permis de survivre en apportant des liquidités en période critique, devient un poison lent qui pénalise graduellement la compétitivité de l’entreprise. Cela ne fait qu’aggraver une situation de fait déjà très défavorable aux entreprises françaises surtaxées par rapport à leurs congénères allemandes en particulier.

Si la concurrence vient de pays dont les conditions économiques et financières sont plus opaques, comme la Chine, le risque pourrait être accru.

Rembourser ou pas, telle n’est donc pas la question. Les moratoires sur lesquels travaillent les autorités donnent un temps de réflexion. Le vrai problème à traiter, qui était déjà latent avant la crise COVID, et qui se trouve fortement accentué, est un problème structurel de faiblesse des fonds propres. Si l’on veut durablement protéger le secteur concurrentiel français, il faut bâtir un véritable plan Marshall de capitalisation des entreprises. Les liquidités existent : durant cette période, les ménages français ont accumulé une épargne considérable, qui a déjà attiré l’intérêt de Bercy. Il faut créer le momentum adéquat en agissant sur tous les leviers : les entreprises et leurs actionnaires doivent être convaincus de la nécessité de renforcer les fonds propres, les intermédiaires financiers doivent se faire les avocats de structures financières renforcées, et les épargnants doivent également être convaincus de l’intérêt d’investir. Le challenge n’est pas technique, tous les outils existent. Au besoin, Bercy saura ajouter quelques incitations pour les différents acteurs.

Le problème est culturel, il est celui d’une vraie cause à défendre. Le plan de relance est nécessaire, mais il donne également l’impression que l’Etat s’occupe de tout, pouvant d’une certaine façon déresponsabiliser les entreprises et les épargnants… Il y aura toujours une solution. Il faut donc un véritable plan d’action pour transférer l’épargne dormante vers les entreprises, et qui sera d’abord un plan de transformation des mentalités, un plan de communication, pour convaincre tout le monde qu’une entreprise fortement capitalisée sera pérenne. Elle créera de la richesse et des emplois. Ce changement nécessitera du temps, et n’est pas gagné d’avance. Cependant, en cas de succès, sur une période de 2-3 ans, les entreprises pourront rembourser leur PGE, ou d’autres dettes, consolider leurs fonds propres, et se battre à armes égales avec leurs concurrentes.

Cela pourrait s’appeler un plan Marshall pour la capitalisation des entreprises.