En ce début d’année 2021, nous avons souhaité donner la parole aux experts de divers secteurs d’activité, après presque un an de confinements. A la question….

 

Aujourd’hui, attendez-vous le retour à la normalité pour recommencer comme avant ? ou allez-vous chercher une nouvelle position ? quelle est votre perception ? que mettez-vous en place ? que remarquez-vous dans votre secteur, dans votre société ou chez les concurrents ?

 

Ils ont eu envie de nous dire succinctement dans le secteur du Jeu, du Tourisme et de l’Immobilier…

 

Fabrice Paire, Président du Groupe Partouche

 

« La capacité d’innovation de Partouche, qui nous différencie dans notre secteur, s’incarne encore dans cette période durant laquelle nous avons mis en œuvre un concept de Casino Drive à La Grande Motte : sur un terrain attenant au casino ont été créées des cellules de jeux individualisées ou dédiées à un groupe de personnes proches venant ensemble en voiture. »

 

 

Le premier « après » fermeture et confinement, lors de nos réouvertures le 2 juin 2020, s’est presque déroulé comme si les portes s’étaient fermées la veille.

C’est un des paramètres majeurs de confiance de nos partenaires financiers qui fait que ceux-ci ont répondu à nos demandes de PGE, désormais seule manière de faire face au « cash burn » d’un secteur d’activité interdit d’ouverture, qui n’a donc plus d’activités.

Bien que ce nouvel épisode soit plus long et usant, nous pensons que l’envie de divertissement de nos clients nous fera constater un retour satisfaisant de ceux-ci, qui conforte par ailleurs notre appréciation selon laquelle nos clients ont un attachement, un besoin particulier, de venir jouer au sein de nos établissements physiques ; et qu’une offre online ne peut être un substitut satisfaisant. L’engagement de nos personnels, la convivialité de nos environnements, le dynamisme autour de nos offres font que nous anticipons avec sérénité un « retour à la normal ».

Pour autant, la capacité d’innovation de Partouche, qui nous différencie dans notre secteur, s’incarne encore dans cette période durant laquelle nous avons mis en œuvre un concept de Casino Drive à La Grande Motte : sur un terrain attenant au casino ont été créées des cellules de jeux individualisées ou dédiées à un groupe de personnes proches venant ensemble en voiture.

Notre métier reste extrêmement encadré, et notre terrain de jeu évolue souvent avec peine, tout comme les produits que nous offrons. La digitalisation de notre offre de jeux n’est notamment pas entre nos mains mais entre celles des pouvoirs publics.

Ce qui ne nous empêche pas de faire bouger les lignes, comme avec le casino Plein Air de La Ciotat ou le casino multimédia et interactif d’Aix, mais aussi par l’entretien d’une relation client aux goûts du jour et notamment à travers les réseaux sociaux ; ce qui nous permet à l’heure actuelle de garder le lien.

 

 

Christian Mantei, Président d’Atout France

 

 

« La transformation digitale accélérée et la création des datas ne seront pas les seuls moteurs de la croissance nouvelle. Le niveau de l’investissement va être déterminant. Il faudra une politique particulièrement offensive en ce domaine pour stimuler, porter et réaliser les nouveaux concepts, l’hybridation des hébergements, sans parler de leur seule adaptation ou rénovation. »

 

 

La pandémie provoque une accélération des mutations déjà engagées, en particulier s’agissant du développement durable du tourisme, qui ne doit plus être considéré comme une option mais devenir le socle de la stratégie de relance.

En outre, les différentes études de la demande mettent en évidence de nouvelles attentes, parfois même des exigences engendrées par la pandémie et qui vont se pérenniser.

Ainsi le choc de confiance sanitaire est à l’œuvre, et les consommateurs, les voyageurs, les clientèles des services touristiques réclament une protection avérée et donc des aménagements et des protocoles de haute définition.

Dans les transports, dans les hébergements et dans tous les sites, les entreprises l’ont compris dès le mois d’avril et n’ont eu de cesse de s’améliorer en faisant la preuve de leur capacité d’adaptation et d’innovation. Il a fallu en effet apporter des preuves avec une grande réactivité. C’est tout le design de services des espaces d’accueil et des lieux de vie qui se transforme, la sécurité et le confort des clients mais aussi des employés qui ne saurait s’opposer à la création, au « beau ».

La fonction principale du design est d’apporter une réponse globale qui intègre ces deux dimensions.

La confiance commerciale est sensiblement dégradée : les avoirs non remboursés et non encore utilisés ont laissé des traces. Le marché européen réclame aujourd’hui flexibilité commerciale et garanties. Cet autre choc de confiance est plus silencieux mais il va transformer en profondeur les conventions qui régissent la distribution.

Dans les principaux sondages les candidats au voyage expriment d’ailleurs ce besoin comme une condition presque non négociable.

Deux aspirations se font jour également : le besoin de séjourner dans un rayon maximum de 300 kms et de découvrir ou de redécouvrir sa région et la qualité d’expérience (loisirs,sport, culture) proposée dans le territoire mais aussi dans les hébergements.

La transformation digitale accélérée et la création des datas ne seront pas les seuls moteurs de la croissance nouvelle. Le niveau de l’investissement va être déterminant. Il faudra une politique particulièrement offensive en ce domaine pour stimuler, porter et réaliser les nouveaux concepts, l’hybridation des hébergements, sans parler de leur seule adaptation ou rénovation.

Des pans entiers du tourisme « d’avant » sont fracassés : déplacements d’affaires et secteurs du MiCE et de l’événementiel qui mettent nos métropoles en grande difficulté. Les nouveaux usages déplacent toutes les lignes. Les segments de marchés seront redistribués ou tout au moins réévalués.

Une constante toutefois : l’économie mondiale du tourisme restera une économie de l’offre. Sa mutation est amorcée.

 

 

Jean-François Habert, Expert ZALIS en Immobilier et Finance


 

« Le « monde d’après » apparaissait déjà en filigrane dans le « monde d’avant », et l’émergence d’un univers immobilier plus qualitatif et moins dévoreur d’espaces, déjà amorcée avant la crise sanitaire, a été incontestablement accélérée par les conséquences de celle-ci, au prix de la disparition d’un certain nombre d’acteurs… »

 

 

 

L’Immobilier face à la nouvelle donne post-Covid : peut-on parler de « Monde d’après ? »

Il y a déjà presque un an, l’ouragan économique et sanitaire dont nous subissons toujours les effets déferlait sur la planète.

Les secousses ont été telles que des dissertations sur « Le monde d’après » ont alimenté nombre de chroniques, d’interviews et de débats, comme cela avait été le cas au lendemain de la faillite de la Banque Lehman Brothers il y a déjà 12 ans. On sait ce qu’il en est advenu : après une crise économique sévère mais passagère, le monde d’avant a globalement repris son cours, avec cependant quelques changements profonds, majeurs et durables : la baisse des taux d’intérêts, la règlementation bancaire, l’argent surabondant, l’inflation des valeurs technologiques et de certains actifs, dont l’immobilier, le métal jaune, les crypto monnaies…

Aurons-nous droit cette fois-ci à ce « monde d’après » radicalement différent, que nous annoncent nombre de chroniqueurs et d’experts, ou bien, à l’instar de la crise précédente, ce douloureux épisode se contentera-t-il d’accélérer certaines tendances, d’introduire de nouvelles évolutions, mais sans révolutionner « le monde d’avant » ?

Nous nous proposons aujourd’hui de donner des éléments de réponse à cette question en la limitant à un des secteurs situés à l’épicentre de la tempête « Covid » : l’Immobilier.

Nous passerons brièvement en revue les 3 principaux segments du marché Immobilier, en essayant de mettre en évidences les lignes de forces des changements induits par la crise économique et sanitaire.

 

L’immobilier résidentiel : la revanche des « oubliés » de la hausse des décennies passées

En 2020, pour la première fois depuis au moins 10 ans, la hiérarchie des hausses de prix entre Paris, les Métropoles régionales, les villes moyennes et la France rurale s’est inversée au profit des grandes villes de province (Limoges, Mulhouse, Orléans, Metz…), de la seconde couronne parisienne et de la périphérie rurales des Métropoles. Paris a vu, à la surprise générale, ses prix plafonner et même baisser en fin d’année…

Ce besoin d’espace, de verdure et de nature, parfois cruellement mis en évidence par les 2 confinements, est bien sûr à l’origine de cet infléchissement. Sera-t-il durable ?

On peut penser que les hausses de prix constatées en 2020  sont la suite logique de l’engouement des dernières années pour les Métropoles de Province, lui-même porté par un certain rejet de la Capital et de ses prix, mais aussi par une attractivité en progrès indéniables (TGV, transports urbains, activités culturelles, rénovations…), et que le niveau de prix atteints à Lyon ou Bordeaux incite à présent les acheteurs à (re)découvrir l’existence de villes plus petites, mais néanmoins riches de nombreux atouts (les mêmes que ceux précédemment cités).

Quant à la Capitale, nul doute que ses prix reprendront le chemin de la stratosphère, compte tenu de l’abondance des liquidités entre les mains d’acheteurs potentiels…avant qu’une inévitable hausse des taux d’intérêts mette un terme au bal de la hausse, commencé en 1997…

Enfin, indéniablement, la crise sanitaire impactera durablement le cahier des charges des acheteurs, et, partant, la demande pour les maisons individuelles, les terrasses et balcons et les environnements arborés.

 

L’immobilier de bureaux, sonné, mais pas KO…

L’avenir de l’immobilier de bureaux apparaît à beaucoup d’observateurs inversement corrélé à l’expansion du télétravail, expérimenté à une très large échelle sur l’ensemble de la planète à l’occasion de la crise sanitaire, ceux-ci prédisant une chute très importante de la demande de m² et partant, la chute des loyers et des reconversions massives en habitation lorsque cela est possible.

La situation nous paraît cependant devoir être plus nuancée :

  • Le télétravail n’a pas été découvert à l’occasion de la crise sanitaire, et, paradoxalement, celle-ci a notamment révélé ses limites et ses dangers, notamment des pertes de créativité, d’ «affectio societatis», d’esprit d’équipe, d’efficience…sans oublier les frustrations liées au sevrage des relations sociales entre collègues… Selon toute probabilité, le télétravail va donc trouver sa place naturelle dans l’organisation des entreprises, mais celle-ci devrait dans la majorité des cas se situer entre 1 et 2 jours par semaine, loin des 4 jours envisagés par PSA qui demeureront une exception…
  • Le demande en surface tertiaire devrait donc théoriquement diminuer, mais il faut également compter avec une aspiration des salariés, non seulement à retrouver la vie de bureau, mais à ce que celui-ci puisse les accueillir dans des conditions plus agréables que le travail à la maison, d’où une demande accrue de confort, d’espaces de réunion et de détente, d’ouverture vers l’extérieur…et d’une surface de travail individuelle plus importante, pour des raisons notamment sanitaires…
  • Si ces grandes tendances se dessinent, les professionnels apparaissent plus partagés quant à la configuration générale des bâtiments : les « campus » dans la verdure, agréables, mais propice à un étalement urbain dorénavant combattu, et les tours de dernière génération, éventuellement en bois, écologiques mais coûteuses, se partagent les suffrages.

La crise sanitaire apparaît ainsi infléchir la demande plus qualitativement que quantitativement, mettant peut-être un frein à l’essor jusque-là irrépressible des plateaux en « open space » et « high density » au profit d’espaces plus différenciés et certainement plus accueillants. La rénovation du parc de bureau, via des constructions nouvelles ou des rénovations lourdes devrait logiquement se poursuivre, voire être accélérée, de nombreux immeubles étant cependant voués à la démolition ou à la reconversion en habitation.

Notons au passage que les prestataires de services devront également s’adapter à la nouvelle donne par une adaptation de l’offre (restauration…) ou des redimensionnements de moyens (nettoyage…).

 

L’Immobilier commercial : pour qui sonne le glas ?

Comme pour les autres segments, la crise sanitaire a servi d’amplificateur à des tendances déjà largement présentes au cours des dernières années, mais à cette différence fondamentale que l’évolution à l’œuvre dans le secteur commercial est particulièrement mortifère.

Les achats Internet ont en effet bondi en France durant l’année 2020 pour représenter en fin d’année 13.4% du commerce de détail contre 9.8% en 2019, et l’arrivée de nombreux néo-acheteurs laisse présager la poursuite, voire l’accélération de cette tendance. La hausse de la vente de biens sur internet a même atteint 32% en 2020, tandis que celle des services régressait de 10 % en raison notamment de la chute de 41% des ventes du secteur tourisme et loisirs.

La fermeture totale ou partielle des points de vente a efficacement complété les dégâts d’internet pour nombre de commerces, particulièrement les commerces d’habillement (même le géant Zara, qui annonce la fermeture de 1200 boutiques sur 7400 est touché, Gap se retire d’Europe…), les Grands Magasins, les centres commerciaux, et, d’une façon générale les commerces indépendants ne pouvant compenser, même partiellement le déclin de leurs ventes physiques par des ventes internet.

Si pour les activités définitivement touchées par le transfert des ventes sur Internet, la diminution des réseaux physique et le développement du multicanal sont indispensables, le défi des activités passagèrement touchées par la crise (restauration, spectacles…) sera le remboursement des multiples et généreuses aides octroyées par les très dispendieux dispositifs mis en place par le gouvernement. Sans nul doute, de nombreux pas de porte seront disponibles à la suite de défaillances financières, et constitueront autant d’opportunités potentielles pour d’éventuels successeurs…que de casse-tête pour les bailleurs.

Au total, l’immobilier commercial est de toute évidence le segment qui sera le plus impacté par la crise sanitaire, avec une réduction quasi certaine des surfaces commerciales, une probable baisse des loyers, touchant même les icônes du segment (le CA des magasins des Champs Elysées ont baissé de 51 % en 2020), et mettant à mal les bailleurs les plus exposés (Unibail-Rodamco…). Parallèlement, la mutation des points de vente du commerce de biens (habillement…) vers les services (restauration, soin de la personne…) et les commerces de bouches devrait s’accentuer.

 

En conclusion,

Comme lors de tous les ouragans, les dégâts constatés après le déchaînement des éléments apparaissent très contrastés : l’immobilier résidentiel résiste plutôt bien, et est amené à corriger certains de ses excès en matière de hausse des prix ou d’offre inadaptée ; l’immobilier tertiaire, durement mais ponctuellement touché, devra amplifier ses efforts en matière de qualité d’offre pour compenser au moins partiellement la contraction de la demande, l’immobilier commercial, quant à lui, est appelé à faire face beaucoup plus tôt que prévu à la montée en puissance d’internet, qui occasionnera inévitablement des changements profonds : disparitions d’activités, multiplication de friches commerciales, avènement du multicanal, difficultés financières des bailleurs (amplifiées en cas de hausse des taux d’intérêts), mais également poursuite de success stories dans des secteurs moins exposés comme la restauration, le bricolage, l’alimentation ou les services.

En définitive, en matière d’Immobilier, le « monde d’après » apparaissait déjà en filigrane dans le « monde d’avant », et l’émergence d’un univers immobilier plus qualitatif et moins dévoreur d’espaces, déjà amorcée avant la crise sanitaire, a été incontestablement accélérée par les conséquences de celle-ci, au prix de la disparition d’un certain nombre d’acteurs, victimes de l’évolution des habitudes ou de difficultés financières.