Par Jean-Bernard Masselin, Expert en Financements, Redressement & Restructuration d’entreprises

 

Crise sanitaire, confinement, gros coup de frein aux échanges internationaux (de biens et de personnes), nombreux secteurs en sous-activité, certains à l’arrêt.

Dans la plupart des pays, les pouvoirs publics ont pris depuis le début de l’année et continuent de prendre des mesures exceptionnelles pour tenter de préserver et de maintenir le tissu économique en état de fonctionnement et de possibilité de rebond, fusse en mode dégradé.

Parmi ces mesures et dispositifs, et avec l’aval des Autorités européennes, l’Etat français a ouvert le 23 mars 2020 jusqu’au 31 décembre 2020 un mécanisme de garantie (sur la base d’une enveloppe de 300 milliards d’euros) bénéficiant aux prêts (dits PGE) octroyés aux Entreprises par les Prêteurs (Banques principalement, sociétés de financement, intermédiaires en financement participatif par ailleurs) dans l’objectif de leur fournir des liquidités pour faire face aux effets dépressifs de la crise sanitaire sur leur chiffre d’affaires, leur rentabilité et leur trésorerie.

Au vu de la persistance de la crise sanitaire, l’accès au dispositif PGE vient d’être étendu jusqu’au 30 juin 2021.

L’Etat a confié (sous son contrôle, pour son compte et … grâcieusement) à BPIFrance la mission de la mise en œuvre opérationnelle du dispositif de garantie : perception des commissions, gestion des demandes d’octroi et notifications de la garantie, contrôle du respect du cahier des charges en cas d’appel, paiement des sommes dues.

Depuis son lancement, le dispositif a permis à 590.000 entreprises d’accéder à 122 milliards d’euros de financement.

 

POUR L’EMPRUNTEUR :

 

Différents critères d’éligibilité (effectifs, chiffre d’affaires, situation financière, …) en conditionnent l’accès.

La population la plus nombreuse des TPE, PME et ETI (moins de 1,5 milliards de CA et moins de 5000 salariés en France) a la possibilité d’emprunter jusqu’à 25 % de son chiffre d’affaires, soit une ressource équivalente à 3 mois de trésorerie.

Pour cette population, la garantie de l’Etat atteint 90 % du montant du PGE.

Le PGE a été créé pour soutenir la trésorerie des entreprises en l’attente de jours meilleurs.

Si une trésorerie est fongible, l’Entreprise doit garder mémoire que le PGE n’a pas été conçu et promu pour remplacer d’autres mécanismes et outils de financement de distributions de dividendes ou des CAPEX. L’entreprise se doit de fournir des informations sincères. Le PGE devient en effet immédiatement exigible s’il apparaît que l’emprunteur n’a pas respecté le cahier des charges, et notamment s’il a intentionnellement fourni des informations erronées.

Par précaution, les prêteurs recourent autant que de besoin à des attestations d’experts-comptables ou de Commissaires aux comptes pour sécuriser l’éligibilité de la demande au dispositif, et subsidiairement le bénéfice de la garantie.

Le PGE a une durée minimale d’un an, avec faculté à la main de l’emprunteur de solliciter un amortissement d’un à cinq ans additionnels (soit l’équivalent d’un crédit moyen terme financier sur 6 ans de renforcement du fonds de roulement).

La poursuite de la crise sanitaire étant de nature à retarder le retour à une situation économique et financière apaisée, l’Etat vient de décider de donner aux entreprises  la possibilité de reporter d’un an supplémentaire le calendrier d’amortissement des PGE pour les entreprises qui en auront le besoin. Soit la faculté de disposer de deux ans de différé de remboursement.

Le PGE n’est assorti d’aucune garantie réelle ou personnelle venant de l’entreprise, de ses actionnaires et dirigeants.

Le prêt est sans intérêts la première année, l’emprunteur ne supportant que le coût de la garantie publique. Au-delà de ce terme, il est fait application d’intérêts à taux fixe et d’un coût croissant de la garantie.

Accessoirement la mise en force d’un PGE est susceptible de conduire à réviser par avenants les documentations bancaires, financières et le cas échéant judiciaires, et conséquemment de générer divers coûts et honoraires.

Au final et au-delà de ses attraits, le PGE est une dette, dont le remboursement (spot ou étalé) doit être intégré dans les prévisions de trésorerie et tableaux de financements.

 

POUR LE PRÊTEUR :

 

L’arrêté du 17 avril 2020 précise le caractère irrévocable et inconditionnel de la garantie sur toute la durée du prêt (au-delà d’un délai de carence de 2 mois, et hors décision individuelle de la Commission Européenne).

Pour les PGE octroyés aux TPE / PME et ETI, les Prêteurs restent sans garantie pour 10 % de leurs encours.  Pour mémoire.

Le PGE, bénéficiant de la garantie de premier rang de l’Etat français, est moins mobilisateur en termes d’affectation de fonds propres. La qualité du garant permet ainsi de pondérer les conséquences prudentielles  d’une notation financière sensible ou défavorable de l’emprunteur.

Lorsqu’il met en jeu la garantie, le Prêteur doit démontrer qu’après l’octroi du PGE le niveau de ses concours était supérieur à celui qu’il portait au 16 mars 2020, corrigé le cas échéant des réductions intervenues selon des contrats de financements antérieurs au 16 mars 2020.

L’intention du Législateur est que l’apport de liquidités profite bien à la trésorerie de l’entreprise, et non qu’il permette au Prêteur de réduire son exposition sur des concours non contractualisés moins bien ou pas garantis.

En cas de mise en jeu de la garantie sur événement de crédit (défaut de paiement sur le PGE, restructuration du prêt dans un cadre amiable ou judiciaire conduisant au constat d’une perte par le prêteur, ouverture d’une procédure collective), le Prêteur peut demander à BPIFrance (pour compte de l’Etat, garant) le versement d’une provision correspondant au montant projeté de sa perte.

En cas d’une restructuration retenant un nouvel échéancier sans novation, la garantie de l’Etat ne peut être actionnée au-delà de 6 ans suivant la date de premier décaissement du PGE.

Enfin, cette garantie de l’Etat tombe de droit dès lors que le prêt est cédé à un cessionnaire n’appartenant pas au groupe bancaire prêteur, hors mobilisation du prêt sur le marché Banque Centrale (SEBC) aux fins d’accès à refinancement.

Le marché secondaire du PGE ne devrait pas être très actif, et les tours de table devraient rester domestiques.

Au final et au-delà de ses attraits, le PGE  est une créance dont le dénouement dépend d’abord de la capacité de remboursement de l’emprunteur, secondairement de la qualité formelle de la prise de garantie (respect des conditions générales, …), considérant que la qualité de fond du garant satisfait les attentes.

 

EN SYNTHESE

 

Le dispositif PGE a plusieurs vertus :

  1. Soutenir le tissu économique et prévenir autant que possible des défaillances d’entreprises coûteuses en termes de fonctionnement de filières et d’emploi,
  2. Face à un marché financier moins actif, mobiliser le marché bancaire (plus proche des PME/ETI) sur un produit de financement adossé à une garantie publique.
  3. Donner du temps aux entreprises pour surmonter la crise, s’organiser ou se réorganiser.

 

Les Banques  sont les seuls acteurs à disposer d’un réseau suffisamment dimensionné pour accueillir, statuer et gérer un aussi grand volume de demandes de financements. On relèvera que 97 % de ces dernières ont recueilli une décision positive (selon BDF).

Certaines demandes peuvent avoir une motivation opportuniste ou prudentielle. Mais la plupart d’entre elles participent à la résolution d’un besoin réel. Par le fait, l’entreprise doit être attentive à ce que clients et fournisseurs (et leurs assureurs ?) ne tirent profit des circonstances pour retarder leurs paiements d’une part ou réduire leurs risques d’autre part.

 

Enfin, si lever de la dette a son utilité, lever des fonds propres l’est tout autant : il y aura un rendez-vous un jour prochain à partir du couple fonds propres / endettement, qui différenciera ceux qui seront acheteurs, ceux qui peuvent s’unir et ceux qui seront à vendre.

 

« Seul l’avenir nous dira ce que le futur nous réserve ! ».