Par le bureau d’étude Zalis Paris

 

L’investissement des entreprises en France et dans le monde s’est figé face aux multiples difficultés engendrées par une crise économique des plus violentes. Contraintes de réduire ou de mettre fin à leur production, comme on a pu le constater pour la filière automobile ou aéronautique, les entreprises se sont affaiblies notamment en raison de l’érosion de leur trésorerie et de l’incapacité à anticiper la demande future. Elles se sont occupées à survivre, oubliant de se projeter dans le monde d’après crise.

De tous les secteurs impactés, il serait en effet difficile de trouver une entreprise qui ne se soit pas concentrée sur une réduction significative de ses dépenses pour faire face à un tel bouleversement du marché.

Aujourd’hui, tous les regards se portent sur la gestion de trésorerie, mais qu’en-est-il du comportement des entreprises concernant les investissements ?

Rappelons qu’au sein d’une entreprise, la nature de l’investissement varie suivant le besoin auquel il répond, la rentabilité attendue par l’investisseur, le temps d’étude et sa réalisation. Son cycle peut ainsi être court ou long, de caractère immatériel (dépenses en formation, recherche et développement, achats de logiciels), matériel (CAPEX sous forme d’équipements, bâtiments…) ou encore financier (placements sur des actifs et actions de sociétés). Si l’investissement immatériel vise généralement à engendrer une amélioration de la compétitivité des entreprises, l’investissement matériel se présente comme un investissement de capacité. Quels que soient sa nature, le temps de son cycle ou celui de son retour sur investissement, le choc économique pousse aujourd’hui l’investissement à être réexaminé, stoppé et dans bien des cas, annulé.

Selon une étude réalisée par PricewaterhouseCoopers (PwC), 67% des directeurs financiers ont décidé du report ou de l’annulation des investissements prévus.

C’est une tendance que l’on observe dans toutes les crises économiques et qui se vérifie aujourd’hui : le recul de l’investissement est bien supérieur à celui de l’activité économique.

Comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous, l’investissement des entreprises, qui était déjà mis à mal par un contexte commercial tendu, devrait reculer de 23,3% en 2020 selon la Banque de France tandis que le PIB se contracterait de 10,3%.

 

 

12 ans après une crise financière puis économique d’ampleur mondiale, les enjeux liés à la bonne gestion des réserves de trésorerie n’ont pas été oubliés.. Une étude consacrée aux sociétés du S&P 500, réalisée par la banque Goldman Sachs, met en lumière que les craintes associées au niveau de liquidité entrainent une réduction des dépenses en CAPEX qui, suite à une chute de 5% au premier trimestre 2020, devraient se contracter d’environ 33% au cours des prochains mois, pour représenter une baisse annuelle de l’ordre de 27%. Les entreprises ont ainsi été amenées à actualiser leur plan de financement à moyen terme afin d’appréhender la capacité de remboursement des dettes existantes ou celles destinées à financer les investissements futurs.

La renonciation aux investissements prévus traduit un mécanisme intuitif qui vise à conserver la trésorerie par mesure de prudence. Pour autant, cela ne devrait pas se produire au détriment de la croissance de l’entreprise.

En ce sens, il est toujours intéressant de se pencher sur l’option d’utiliser des capacités externes – notamment la sous-traitance qui permet d’accroitre la proportion des coûts variables dans la structure de charges – ou encore sur la possibilité d’acquérir de nouveaux biens et services à des coûts et dans des délais plus favorables en temps de crise.

Un investissement répond à une demande future. Or, les incertitudes portées sur cette dernière constituent une deuxième explication du recul brusque des investissements des sociétés. En effet, une étude réalisée par l’Institut Rexecode indique que la moitié des dirigeants ayant renoncé à un investissement le justifie par des contraintes de trésorerie et, pour plus d’un quart d’entre eux (27%), par l’insuffisance de débouchés. Il est ainsi prévu que pour la majorité des secteurs, les ventes continueront d’être moroses dans un futur proche. En revanche, les entreprises peinent à réduire leur masse salariale, à allonger les délais de paiements des fournisseurs, des loyers et des intérêts à la même vitesse.  Ce décalage mécanique vient affaiblir la position financière des entreprises, en particulier pour celles de taille conséquente, dont la capacité de réaction aux perturbations externes est limitée.

« Le changement du monde n’est pas seulement création, progrès, il est d’abord et toujours décomposition, crise » affirme le sociologue français Alain Touraine.

Alors qu’il s’agisse de la manière de consommer, de se divertir ou encore de produire, toute crise économique apporte des changements sociétaux profonds. Finalement, une crise rappelle la nécessité de réadaptation et d’évolution pour les entreprises capables de se projeter et de répondre aux besoins soulevés par ces changements. Il n’y a qu’à voir la création de richesse qui a émergé à la sortie de la dernière crise : Facebook, Uber, Airbnb, Instagram, Amazon etc… Ces géants font aujourd’hui partie de notre quotidien.

Les entreprises devraient ainsi s’appliquer à consacrer autant d’énergie aux mesures défensives, qu’aux mesures offensives, en faisant preuve de résilience, de créativité et d’audace. Le Groupe Anglais Chesterford qui réunit 40 restaurants de fish and chips constitue un exemple à suivre. Servant chaque semaine 50 000 clients, la société faisait face à une perte hebdomadaire de 165 000€. En l’espace de quatorze jours, le groupe a changé de business model, investissant dans des outils informatiques et digitaux pour continuer à opérer à travers des commandes en ligne qui lui ont permis de préserver l’activité de 70% de ses salariés. Ce revirement devrait être bénéfique à long terme pour le groupe qui pourra désormais s’attendre à un nombre de commandes bien plus élevé.

Confronté au danger de perdre sa société, le CEO James Lipscombe a vu en cette crise sanitaire l’opportunité de développer et de mettre en œuvre un plan d’action jusqu’alors négligé par peur de perturber la structure existante.

En somme, la difficulté économique actuelle devrait amener l’entreprise à réévaluer la pertinence de ses projets d’investissement tout en gardant en tête qu’une crise apportera toujours des opportunités et des solutions novatrices répondant à de nouveaux besoins. Il reste donc primordial de se projeter dans l’avenir pour renforcer son avantage concurrentiel ou innover afin d’en construire de nouveaux.

 

Revue de presse et source de données :

https://www.gotoast.ca/pourquoi-maintenir-les-investissement-en-marketing-en-temps-de-crise/

https://www.edc.ca/fr/propos-de-la-semaine/investissement-commercial-coronavirus.html

https://www.lesechos.fr/industrie-services/industrie-lourde/maintenir-ou-non-linvestissement-le-dilemme-des-entreprises-en-temps-de-crise-1216665

https://www.lesechos.fr/industrie-services/industrie-lourde/geler-les-investissements-le-mauvais-reflexe-des-entreprises-en-crise-1216771

https://www.theglobaleconomy.com/France/capital_investment/

http://globalix.fr/content/que-penser-de-la-%C2%AB-fin-%C2%BB-des-capex

https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-le-tresorier-dentreprise-en-premiere-ligne-face-a-la-crise-1195082

https://www.lesoleil.com/affaires/covid-19-que-doivent-faire-les-entreprises-en-manque-de-liquidites-a692e3ef0bddd02984f43d88fa0b134f

https://www2.deloitte.com/ca/fr/pages/finance/articles/covid-19-managing-cash-flow-during-a-period-of-crisis.html

https://www.blg.com/en/insights/2020/04/the-impact-if-covid-19-on-ma-transactions

https://www.investopedia.com/s-and-p-500-cash-spending-to-drop-33-this-year-says-goldman-4842621#:~:text=%22CapEx%20will%20decline%20by%2027,latest%20U.S.%20Weekly%20Kickstart%20report.

https://publications.banque-france.fr/projections-macroeconomiques-juin-2020

https://www.insee.fr/fr/statistiques/1281253

https://data.oecd.org/fr/gdp/investissement-par-secteur.htm#indicator-chart