Une française de France au Québec nous raconte comment on vit le confinement de ce côté de l’Atlantique

On dit ici « une française de France » puisque les Québécois sont aussi des français, l’accent change, certains mots aussi mais peut-on dire qu’un nordiste ou un languedocien ne sont pas français car chacun a son propre accent ou ses propres expressions; bien sûr que non.

Cependant, et bien que nous venions originellement d’une même culture et parlions la même langue, les règles ne sont pas les mêmes, les comportements face à cette crise diffèrent et il m’a semblé intéressant de voir comment les Québécois ont réagi face à la situation actuelle.

De toutes les provinces du Canada, le Québec a eu, jusqu’à aujourd’hui, le plus grand nombre de morts. Est-ce parce que ses habitants n’auraient pas respecté les règles du confinement, de la distanciation sociale ou des pratiques sanitaires ? Pas du tout, le Québec est une des régions du monde qui a le mieux respecté les règles adoptées pour limiter la progression du virus et qui a le plus pratiqué le dépistage, elle est également la seconde province la plus peuplée du Canada, ceci expliquant le nombre de cas recensés.

Selon une étude de Google, au Canada et même en Amérique du Nord, les Québécois seraient les champions de la distanciation sociale, confirmant la réputation du Québec d’être une des communautés les plus méticuleuses au niveau mondial. D’ailleurs, un grand nombre de mesures, prises d’abord au Québec, ont été ensuite adoptées par les autres provinces.

En dépit du relatif grand nombre de morts enregistré au Québec (3865, à date) par rapport au nombre de morts dans l’ensemble du Canada (6360), celui-ci demeure très inférieur à celui décompté en France (28218), et on peut se demander pourquoi. Certes, on ne peut ignorer le fait que la population canadienne, environ 38 millions est la moitié de celle de la France, que par ailleurs, la taille des deux pays n’est pas comparable puisque le Canada est 18 fois plus grand que l’hexagone et que de vastes étendues sont inoccupées même si la concentration urbaine existe aussi au Canada.

Alors pourquoi ? J’ai pu relever dans un premier temps que les français en France semblaient moins disciplinés que les Québécois. On pourrait l’expliquer pour le Québec probablement par son histoire, celle d’une communauté, d’une fraternité, d’un peuple qui évite le conflit, qui respecte les règles édictées par le gouvernement même si parfois elles sont commentées ou questionnées. De plus, j’ai pu remarquer à quel point les libertés individuelles et collectives y étaient capitales et finalement respectées au cœur de la crise actuelle.

En France, la communication sur le COVID19 a été en dents de scies, passant d’une « grippette » à un état en guerre, ici au Québec, le premier ministre nous parle d’un combat, d’une lutte. J’ai découvert Monsieur Legault à travers ses allocutions quotidiennes, à 13h précises au Québec, j’ai pu voir un homme chaleureux, aimant sa province, courageux et surtout clair et honnête dans ses propos, il choisit de nous parler, vraiment et tente d’échanger sur l’impact des mesures prises et sur l’état de la courbe du virus, avec l’aide du docteur Horacio Arruda, directeur général de la santé publique et de Danielle McCann, Ministre de la Santé. En France, le discours des gouvernants semble flou et contradictoire: rester chez soi et se confiner mais aller quand même voter. Monsieur Legault quant à lui, tient un discours simple et humain, il assume ses erreurs, choisit de nous parler de ce qui est, au mieux qu’il le peut et de trouver des solutions viables au jour le jour quitte à être en avance par rapport au Canada, ou se remettre en question publiquement.

Les campagnes et votes ont été annulés et il n’y pas de communication équivoque. Il a ainsi permis d’installer selon moi une politique de la confiance, qui, je le pense, est absolument primordiale pour qu’un peuple ait envie d’écouter et de suivre les mesures dictées, lesquelles pendant un temps ont seulement été « conseillées » ici et non réglementées. Quand en France, nous étions au stade préventif, les conseils de l’Etat n’ont pas été respectés, peut-être par manque de clarté et d’efficacité dans le partage des premières règles à suivre. Au Québec la prévention quant au virus a été diffusée très rapidement que cela soit au niveau des gestes barrière, de la distanciation sociale ou du confinement, les hôpitaux ont été désengorgés et les mesures prises afin de libérer de l’espace à l’avance pour les possibles malades ou encore réquisitionner l’équipement nécessaire et effectuer les tests de dépistage, pour se préparer au mieux au pic du virus. Monsieur Legault n’a pas hésité à demander de l’aide auprès des habitants du Québec que cela soit pour le don de sang, pour engager davantage de travailleurs dans le domaine alimentaire ou sanitaire, et cela a été un franc succès en très peu de temps, les propositions de bénévolats ont explosé en un temps record, on a également vu de nombreux dons de masques (compagnies d’isolation etc), certaines entreprises ont choisi de fermer d’elles-mêmes pour protéger leurs employés et la population. Une réglementation a été mise en place quant à la consommation de médicaments, les frontières ont été rapidement fermées et la circulation entre les régions fortement déconseillée.

Ceci ayant permis d’avancer plus vite et de préparer plus rapidement la sortie de crise, apprendre des erreurs et trouver rapidement des solutions que cela soit au niveau des EHPAD que l’on nomme ici les CHLSD où la situation reste malgré tout catastrophique et où le personnel de santé manque encore terriblement, de la consommation locale à privilégier, maintenant et après, ou encore des aides gouvernementales mises en place pour les travailleurs, et enfin éviter de voir sacrifier un patient plutôt qu’un autre.

En France, l’action a été en réaction directe aux conséquences du virus ou du comportement de la population et non en prévision, ce qui a indéniablement amené de graves conséquences et une panique étatique face au virus, puisqu’aucune action n’est possible dans la peur et la précipitation. Les Français ont par exemple quitté leur foyer principal pour vivre le confinement dans d’autres régions, ce qui a massivement et rapidement propagé le virus et les consignes de l’Etat n’ont commencé à être respectées qu’avec une réglementation stricte.

Au Québec, la population s’est confinée d’elle-même. A date, nous n’avons pas besoin d’attestations pour sortir et nous ne sommes pas limités à une heure une fois par jour comme c’était le cas en France avant le dé-confinement du 11 Mai dernier. Et pourtant, le confinement est respecté, preuve à l’appui : le nombre de morts, qui démontrent bien que la maladie s’est propagée moins vite et moins massivement.

Finalement, les facteurs liés à la propagation d’un virus, me semblent directement liés à la façon dont un gouvernement va mettre en place ses mesures; et la communication, transparente et honnête du chef d’Etat semble être capitale pour être respectée par la population et ainsi éviter le pire. En somme, on attend également du chef d’Etat ou du représentant d’une région qu’il soit un bon guide en temps de crise, et c’est bien ce qu’a été M.Legault.

C’est pourquoi, je suis finalement heureuse de vivre ce confinement au Québec, on s’y sent déjà naturellement plus en sécurité, et ce même lors d’une pandémie.

 

Alexandra Cohen, Zalis Montréal.