jean

Par Jean Messinesi, Expert Zalis dans la redressement et la restructuration des entreprises. Ex-FMI et Président Honoraire du Tribunal de Commerce de Paris.

La crise de coronavirus vous rappelle-t-elle celle des subprimes ?

Pas tout à fait, car avant tout il s’agit d’une crise sanitaire, avec son lot de malheurs, d’angoisses et aussi d’espoirs. Mais à la différence des précédentes (H5N1 en 1997, SRAS en 2002 ou H1N1 en 2009), celle-ci s’est propagée plus rapidement dans un plus grand nombre de pays où elle touche un nombre important de personnes.

Par rapport aux situations précédentes, l’intégration croissante de la Chine, premier foyer du virus, dans l’économie mondiale, dans le domaine de la production, des échanges mais aussi du tourisme, a eu des effets directs sur les économies des autres pays, comme l’Europe ou les Etats-Unis. Les premiers effets ont affecté l’offre de biens. Les mesures prises par la Chine ont provoqué une forte contraction de sa production et du fait de son intégration dans l’économie mondiale, des perturbations importantes des filières d’approvisionnement (les « supply chains »). Cette chute de l’offre a affecté en particulier les industries européennes qui travaillent à flux tendus.

Il semblerait que la production ait repris en Chine et que les chaines d’approvisionnement soient sur le point d’être rétablies, mais d’un autre côté, les perturbations en Europe ont pris le relais, et la production, donc l’offre, devrait continuer d'être drastiquement réduite.

Mais cette crise est aussi marquée par une chute de la demande ?

En effet, la chute initiale de la demande vient de la Chine elle-même. Premier importateur mondial son poids dans les échanges mondiaux est déterminant et se reflète dans la demande de matières premières, de produits finis et de services, (par exemple le tourisme). L’effondrement de la demande de consommation et d’investissement en Europe est une réalité tangible, elle reflète la chute de la confiance. Le choix des ménages de favoriser la détention de cash devant l’effondrement des marchés financiers, touchant toutes les catégories d’actifs (actions, obligations) et l’absence de valeurs financières refuges, sont en train de provoquer une modification des comportements des agents économiques qui rendent difficiles les projections économiques. Enfin, les fermetures administratives décidées par le gouvernement vont accentuer cette situation du fait de la suppression de l’offre.

En fait, la plupart des observateurs s’attendent à une croissance négative en 2020 dans les pays européens et les plus pessimistes pensent que cela devrait déborder sur la première moitié de 2021.

Comment peut-on imaginer les prochains développements ?

Clairement, en dépit de la fermeture des frontières des pays européens, nous sommes dans une économie ouverte et même si la Commission ne fait pas (encore) la démonstration de son leadership, nous ne pouvons pas avoir des politiques, vis-à-vis de la crise sanitaire comme à l’égard des problèmes économiques, en déphasage par rapport à celles de nos grands voisins : Allemagne, Espagne, Italie.

Il est clair qu’en France, comme cela a déjà été le cas à des degrés divers dans d’autres pays, le gouvernement essaye d’aplatir la courbe de croissance des contaminations, espérant lisser sur un temps plus long le développement de la contamination afin de ne pas avoir à faire face à un engorgement des facilités hospitalières pour les cas graves.

Cette politique qui passe par un confinement strict de la population implique une baisse très brutale de l’activité économique et une injection massive de la part du gouvernement de liquidités pour faire face au chômage induit, aux risques de défauts sur les crédits, et sur les obligations entre agents privés (traites, loyers, redevances, etc,).

Cette politique qui, globalement, est celle adoptée par tous les pays européens et l’Union Européenne, signifie que la création de monnaie va être massive, alors que pendant le même temps l’offre et la demande se seront effondrées. Mais, l’offre de monnaie sera en partie compensée par le fait que les flux normaux auront cessé. Il est cependant évident que dans un premier temps la création de monnaie va aller droit à la consommation ou à la thésaurisation et que l’économie n’en « profitera » pas.

Mais encore, quelles sont les perspectives ?

On peut imaginer trois scenarios :

Dans le premier, pour des raisons diverses : non résistance du virus à la hausse des températures, mise au point d’un vaccin, la courbe de contamination et de décès s’effondre dans deux ou trois mois et le retour progressif à la normale s’amorçant dès juillet. Une reprise douce, avec un rétablissement rapide des « supply chains » permettrait une récupération partielle dans la seconde partie de l’année de ce qui aura été perdu pendant la première moitié. Cela signifie que globalement, bien que négative, la croissance du PIB pour l’année sera de -0,5 à -1,0 %

Dans le deuxième scenario, le souci d’écrêter la courbe de contamination et le succès du confinement pendant lequel, il faut le rappeler beaucoup d’activités s’arrêtent, résulteraient dans un effet économique plus réparti dans le temps. Ceci signifie que la reprise économique tarderait à se matérialiser et que la croissance pendant l’année 2020 serait nettement négative, aux environs de -1,5 à -2,0 %.

Dans le troisième scenario qui sous-entend un prolongement de la crise pendant toute l’année, les effets économiques, sociaux et politiques seraient catastrophiques mais les rapports selon lesquels la Chine aurait réussi à inverser la courbe de contamination, permet de penser que ce scenario catastrophe est peu plausible.

Et, comment sort-on de la crise ?

Il n’est pas facile de reconnaitre la sortie de crise. D’abord, il faut des signaux clairs : régression très forte des contaminations, mise au point et production d’un vaccin, retour de l’activité dans le secteur des transports de biens, puis lorsqu’il sera devenu clair que la pandémie est terminée, des transports de personnes.

Alors, lorsque les incertitudes seront levées, on peut espérer un retour de la croissance qui sera certainement la priorité de tous les pays, en particulier en Europe. On peut espérer un retournement rapide des marchés d’actions et d’obligations, et le retour de la confiance et l’amélioration de la situation sur le marché du travail devraient relancer la consommation des ménages.

L’investissement des entreprises sera encouragé par une politique de relance de l’investissement public que la plupart des pays industriels adopteront. Ce n’est que plus tard qu’il sera sans doute opportun de réduire l’excès de liquidités nait pendant la crise du soutien mis en œuvre par les gouvernements.

Contactez Jean Messinesi et les experts Zalis :