Qu’elles soient grandes comme France Telecom, Vivendi, Infogrames, moyennes comme Cryo ou petites comme les nombreuses start-up créées au cours de la dernière décennie, les entreprises du secteur des technologies, médias, télécommunications (TMT) chutent. La montée a été continue puis s’est accélérée, jusqu’à cette chute qui est loin d’être finie. Si le phénomène est normal dans un secteur en crise, n’oublions pas qu’il s’agit ici d’un secteur à fort potentiel de croissance.

Tous les repères semblent oubliés car l’inquiétude a pris le dessus. Que peuvent faire les dirigeants, les administrateurs ou encore les investisseurs de ces entreprises pour enrayer cette chute ?

Les indicateurs à surveiller sont toujours les mêmes : suivi du chiffre d’affaires, suivi des charges, suivi de la trésorerie, suivi des stocks, tenue des délais annoncés, maîtrise de l’endettement, … Ces indicateurs doivent être analysés précisément, mais ils ne servent à rien si les dirigeants n’acceptent pas de tirer les conséquences des résultats de cette analyse. Il faut généralement agir très vite, un trimestre perdu peut être fatal à l’entreprise. Pour les entreprises technologiques le facteur temps semble divisé.

Il est étonnant de se rendre compte à quel point tous les acteurs sont lucides… après coup ! Le syndrome de « ne pas voir le mur arriver » n’est pas propre aux entreprises technologiques ; ce qui leur est propre, c’est de négliger le court terme en se concentrant trop sur le potentiel futur. Pour les sociétés les plus récentes, le facteur passion qui anime les créateurs n’est pas à négliger pour comprendre cet aveuglement. La prise de risque est bien sûr nécessaire, mais ce risque doit être couvert : il ne s’agit pas de sauter sans parachute mais de ne pas avoir peur de sauter avec.

Il existe des contre pouvoirs : conseil d’administration, comité de direction, commissariat aux comptes… Le législateur se penche aujourd’hui sur ce problème, ce qui tendrait à prouver leur inefficacité. Au delà de réformes souvent éloignées des réalités, il est indispensable que les différents partenaires puissent exercer leur pouvoir, remplir leurs obligations et revendiquer leurs droits. Une législation contraignante risquerait d’ankyloser encore plus les entreprises, en obligeant chaque acteur à déployer un parapluie autour de ses décisions afin de se couvrir. Alors qu’au contraire, pour se développer, l’entreprise a besoin d’entrepreneurs courageux qui agissent vite.

Le plus délicat restera de faire entrer dans les mœurs que ces acteurs puissent déclencher de véritables contrôles opérationnels, comme l’utilisation des services d’équipes pluridisciplinaires et indépendantes. Le rapport du comité Bouton propose une solution à ce problème de gouvernement d’entreprise, en recommandant l’élaboration d’un règlement intérieur du conseil d’administration avec la création de commissions ad hoc.

Voici quelques questions à poser pour s’assurer que les contrôles classiques ne sont pas négligés : les ambitions de développement sont-elles couvertes par des ressources suffisantes ? la réduction brutale d’un carnet de commande s’accompagne-t-elle de flexibilité dans la production ? les marchés potentiels ne sont-ils pas surestimés ? les partenaires financiers sont-ils vraiment informés ? l’équipe de direction est-elle compétente pour la phase nouvelle que vit l’entreprise ? Sans oublier de vérifier la réalité du couple produits/marchés à savoir qu’il existe bien une demande à laquelle l’entreprise peut répondre.

Certains problèmes de comptabilité sont connus et doivent être suivis comme les opérations hors bilan pouvant générer un risque avec les options d’actions à cours garantis, les frais de R&D immobilisés alors que les produits développés n’ont plus de réalité économique,…

L’information des partenaires est indispensable mais également celle du personnel. La valeur des entreprises technologiques repose sur l’immatériel et donc sur la qualité des personnes. Les meilleurs éléments ne doivent pas s’enfuir dans les phases difficiles, une bonne communication sur la stratégie aide bien souvent à limiter les dégâts.

Enfin en situation difficile, la structure de l’entreprise doit supporter le changement de cap, autrement dit permettre souplesse et flexibilité stratégique. Il ne s’agit pas de se doter d’organisations sophistiquées ou de procédures ISO ou autres, mais plutôt d’être pragmatique, proche du terrain et d’anticiper en prévoyant les risques. Il est nécessaire d’adapter son organisation et sa structure pour qu’elles supportent un changement de cap lors de l’apparition de tel ou tel risque, par exemple, faire appel à de la sous-traitance pour la partie variable de la production afin d’amortir l’impact d’une éventuelle baisse des commandes. Si elle ne possède pas cette expérience du changement, l’entreprise doit se faire accompagner. Le recours au conseil peut toutefois ne pas être suffisant : soit l’entreprise manque de ressources pour appliquer les recommandations, soit elle ne peut pas piloter les actions définies, ou à cause des conflits internes.

Des équipes de direction de transitions, véritables « pompiers spécialisés », peuvent apporter une solution pour accompagner opérationnellement le changement. Cette formule se répand outre-Atlantique. Une équipe de direction sollicitée par les actionnaires ou le conseil d’administration prend en main la phase critique aux cotés de l’équipe déjà en place ou, dans les cas extrêmes, en remplacement de celle-ci.

Dans les cas limites portant au dépôt de bilan, il est nécessaire de construire ce dernier afin d’espérer une poursuite de l’activité après la mise en redressement judiciaire. Il faut, par exemple, préparer la vente de l’entreprise en identifiant les repreneurs, structurer sa dette, signer des commandes avec des clients fidèles car l’activité doit pouvoir générer du chiffre d’affaires après sa mise en redressement pour que la conclusion ne soit pas une simple mise en liquidation.

Dans le contexte actuel, les partenaires financiers et autres doivent retrouver la confiance et être en mesure d’accompagner les bons projets, de s’engager et de les supporter efficacement.

En conclusion, se structurer pour être flexible, accroître sa réactivité, respecter des procédures d’urgences identifiées et prévues pour changer rapidement de cap, avoir une communication claire, des acteurs impliqués et responsables, ne pas se mentir et regarder en face les situations difficiles, ne pas hésiter à faire appel à des pompiers spécialisés, sont autant de remèdes simples mais souvent difficiles à mettre en œuvre.